Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
210                DE LA CHUTE DE L'HOMME

  exposé aux erreurs; deux motifs des plus puissants arrachaient
 en sens inverse la pensée. L'un de ces motifs est la nécessité
 de la liberté : si l'homme n'a pu conserver toute sa liberté,
 et si Dieu a tout fait pour lui, voilà l'homme et sa notion
 anéantis. L'autre de ces motifs est la nécessité de la
 grâce : si l'homme n'avait pas été déchu jusqu'au fond
 de son être, s'il n'avait pas en tout point besoin de Dieu ,
 l'homme pourrait se passer de la grâce et se relever de lui-
 même.
    Pour ne pas sortir de la réalité, il faut éviter également ces
 deux extrémités : ou de considérer l'homme comme dégradé
 dans tout son être et dépouillé de toute liberté, ou de le
 considérer comme conservant en puissance d'être la perfec-
 tion nécessaire pour s'offrir tel qu'il est à Dieu et s'assurer la
 vie absolue. Ce sont ces deux erreurs que nous avons rencon-
 trées précédemment en abordant la question. Comme nous le
 remarquâmes, celle-ci est donnée par l'orgueil et celle-là par
l'abrutissement ; dans l'une on rejetterait Dieu, et dans l'autre
on abolirait l'homme. Ce sont les protestants qui ont prétendu
que l'homme avait perdu toute liberté ; ce sont les philosophes
qui ont prétendu qu'il en avait une parfaite. L'Eglise qui,
seule, a établi la double nécessité de la grâce et de la liberté,
a éprouvé les plus grands embarras pour maintenir la vérité
entre les deux exagérations.
    Jamais l'homme n'a pu être dépouillé de ce qui tient a son
essence. La dégradation ne pouvait qu'en affaiblir le principe,
autrement c'eût été la destruction.
    Les protestants ont bien avoué que Luther était allé si loin
dans l'assertion « que l'homme déchu n'a plus aucune vo-
lonté pour le bien, qu'il s'en suit qu'il est dépouillé de la fa-
culté même du vouloir. » Tous ces esprits ne connaissaient
pas la psychologie, et n'avaient aucune idée des nécessités
ontologiques. Comment, de toutes les facultés de l'homme,