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                   MADEMOISELLE DE MAGLAND.                        135
 la création ; c'est un mélange de plusieurs facultés de Pâme qui
 semblent s'exclure ; le charme de l'insouciance, de la gaîté uni à la
 plus profonde sensibilité : c'est la douceur, la malice, la tendresse,
 la mélancolie qui se peignent tour à tour sur sa mobile physiono-
 mie ; elle est timide et fière, spirituelle et bonne, qualités presque
 inconciliables chez les femmes. Je l'aime assez pour sentir que je ne
pardonnerai jamais à Raoul le mal qu'il lui a fait, quoique je sois
sûr d'avance qu'elle sera bien vengée ; Alix s'en chargera. Les der-
niers événements ont mis complètement à nu toutes les tortuosités
de cette abominable nature; c'est une femme qui nourrit, avec un
amour prudent, le plus profond égoïsme dans le seul coin de son
cœur réservé pour la vérité. Pour elle , tout ce qui fait l'existence ,
aimer, sentir, se passionner, se dévouer même, toutes les affections
de l'ame, toutes les actions de l'esprit, ne sont que des moyens;
tout est joué chez elle ; le penchant à la feinte est en elle une pas-
sion, et son amour pour l'intrigue et la ruse est si vif qu'au besoin
il serait désintéressé. Sa vie est toute emmiellée de fausses vertus,
plus honteuses que des faiblesses, mais elle vendrait son ame avec
 tous ses vices pour servir ses haines... Dans son audacieuse bas-
sesse n'a-t-elle pas osé feindre une indisposition qui l'aurait sur-
prise non loin du Pré-de-Vert, pour aller braver cette pauvre Marie
jusque dans l'asile que lui offrait l'amitié ! Le sort a voulu que je no
fusse pas là dans ce moment ; je t'avoue que depuis lors j'éprouvai
un besoin extrême de lui payer ce procédé. Hier, j'allai à Hauterive
pour faire mes adieux à la mère de Raoul ; Alix était auprès d'elle ,
je m'y attendais, et pourtant sa vue me causa la répulsion que donne
l'aspect d'un reptile venimeux; après quelques instants d'une con-
versation générale, Alix se pencha vers moi et me dit à voix basse :
— Mlle de Magland ne devait-elle pas aller habiter la terre de son
oncle? peut-être espère-t-elle, en restant ici, trouver un parti qui
réparera les torts de la fortune envers elle, ajouta-t-elle en me je-
tant un regard insidieux ; mais quand une fille a manqué un ma-
riage, il lui est bien difficile d'en rencontrer un second. — Blessé
au vif de l'effronterie avec laquelle elle osait aborder une telle ques-
tion, je ripostai sans aucun ménagement : — Si vous interrogiez
votre conscience, madame, elle vous répondrait que tous les hom-