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498 Certes, la méthode expérimentale est inhérente et néces- saire à l'esprit humain, comme la méthode rationnelle ; nul ne peut songer à exclure l'induction ou la déduction, seulement la saine philosophie reconnaissant ces deux méthodes comme également légitimes, leur assigne des domaines divers; nous pensons, nous, qu'elle peut aller plus loin, qu'elle a droit de leur assigner des rangs différents, et de proclamer une de ces méthodes plus générale, plus féconde, plus cer laine que l'autre. Cette méthode à laquelle nous attribuons la supériorité, parce que c'est celle qui crée, c'est la méthode intuitive ou ration- nelle, la méthode qui part des notions de l'absolu. A nos yeux la méthode expérimentale ne vaut que comme contre-épreuve de la première. Toutes les idées fondamentales de l'homme sont le produit de la méthode rationnelle ; tout grand système religieux, po- litique ou scientifique, tout système qui a fondé, édifié, orga- nisé quelque chose de durable est sorti de la même méthode ; la méthode opposée sert à vérifier, à expliquer, à développer les données de la première, à les détruire, enfin, lorsqu'elles sont mêlées d'erreurs, ou ne renferment qu'une vérité relative. De même que chacun des divers moments d'une intelligence peut être considéré comme appartenant spécialement à l'une ou à l'autre de ces deux méthodes, de même on peut dire que chacun des moments de l'humanité, que chaque époque historique relève particulièrement de l'une d'elle. Cette idée a été énoncée, sous plusieurs formes, par les philosophes et les socialistes; la dénomination de périodes critiques et organiques a survécu au Saint-Simonisme, dont la pensée sur ce point est tout-à -fait analogue à celle d'u- ne prédominance alternative des méthodes ; mais on peut ajouter que chacune de ces périodes de l'histoire correspond à un changement de méthode dans la philosophie et dans les allures générales de l'esprit humain.