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pas applaudir, si vous ne voyez en lui qu'un ouvrier de pa-
roles. C'est une courtisane mais qui a de beaux diamants. Puis
sa voix se lait, il n'est pas content parce que son lecteur n'a
pas souri.
   Et il écrit :
   cOn dit que l'âne ne chante si mal que parce que, dans sa
gamme musicale, il commence toujours par une note trop
haute. Notre Bulle eut bien mieux chanté, si d'abord elle n'a-
vait pas posé sur le ciel sa bouche blasphématrice (1).
   Puis, l'Elbe coulant à ses pieds, il y jette la parole du pape
en ces termes : Bulle, tu n'es qu'une bulle de savon : nage
donc dans cesflots! Bulla est in aqua natet (2). Et tous les
écoliers répandus autour de sa chaire s'en vont, au sortir de
cette leçon, crier dans les rues de Wittemberg : In aqua
natet !
   C'est ici le moment de parler d'unfilonnouveau de rire, que
Luther vient de trouver en enfer. Le Satan qu'il va évoquer
n'est pas cet ange déchu qui transporte le Fils de Dieu sur la
montagne. Il ne ressemble point à ce roi de l'abyme, dont la
figure, dans Milton, est aussi splendide que la parole. Vous ne
sauriez le comparer non plus à ce Méphistophélès de Goe-
the, qui tente Marguerite dans des songes poétiques , et que
Scheffer, avec son imagination allemande, a reproduit si heu-
reusement sur la toile. C'est un type dont il a tout l'honneur:
un démon, jacasse comme une pie, mauvaise langue comme
un portier, sale comme un marmiton, grossier comme un fac-
chino du largo Castello. C'est tantôt le polichinel napolitain,
avec sa double gibbosité; tantôt notre paillasse de la* place pu-
blique, avec sa face enfarinée ; tantôt arlequin, la figure en-
 duite de suie.

  (i) Adversusexecrabilem Antichristi EuIIam.Opéra Lutheri. T.II.p. 88-91.
  (2) Epist. Luth. Joh. Greffendorf, 3o oct, i59.o*