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gnent le bon sens avec l'étude ; lesquels seuls je souhaite pour mes juges, ils ne seront pas, je m'assure, si partiaux pour le latin qu'ils refusent d'entendre mes raisons parce que je les écris en langue vulgaire. » Ainsi Descartes s'adressait à une classe nouvelle d'audi- teurs, il agrandissait le cercle des discussions scientifiques en y faisant entrer ceux qu'en avait écartés jusqu'à ce jour l'u- sage d'une langue qu'ils ne pouvaient comprendre. Il a, eii quelque sorte, déchiré le voile qui fermait au vulgaire l'en- trée du sanctuaire de la science. Dans cette seule innovation, il y avait déjà presque une révolution tout entière. Par cette prudence, cet esprit de conduite d'une part, de l'autre, par ce zèle ardent pour la propagation de sa philoso- phie, Descartes atteignit le but qu'il s'était proposé. Ilfittriom- pher sa doctrine et ne fut pas persécuté pendant sa vie, car on ne peut appeler persécutions les luttes qu'il eut à soutenir con- tre quelques universités de Hollande qui, d'ailleurs, s'attaquè- rent plutôt à ses disciples qu'à lui-même. Descartes ne fut per- sécuté qu'après sa mort. Alors seulement ses ouvrages furent mis à l'index par la cour de Rome, avec la formule adoucie du donec corrigantur, alors seulement, les Jésuites et la Sor- bonne s'efforcèrent, mais inutilement, de proscrire de l'ensei- gnement public la philosophie cartésienne qui déjà avait par- tout pénétré. En effet, à peine Descartes était-il mort, que sa philosophie régnait ou luttait dans les écoles, inspirait les littérateurs, pé- nétrait dans les salons et chez les gens du monde, et déjà don- nait naissance à des systèmes pleins de force et d'originalité. La fortune de sa physique n'était pasmoins grande et partout, dans les esprits, et dans l'enseignement public, elle se substituait à la vieille physique péripatéticienne. Avec le système de Des- •cartes triomphait en même temps la cause du libre examen et