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210 Kant contre Kant lui-même. Ce qu'il y a d'accidentel, ce sont les intuitions, les représentations, les données de la sensibilité ; mais l'unité que la conscience y ajoute n'a point le même caractère. Les données de la sensibilité sont empiriques, l'unité de la conscience ne l'est point : la diversité est un phénomène que la conscience aperçoit ; mais s'ensuit-il que le moi identique, dont Kant vient de nous parler, ce moi dont l'identité et l'unité sont la face même de la conscience, s'ensuit-il, dis-je, que ce moi identique soit un pur phé- nomène, parce qu'il nous est donné dans la même aperception que des phénomènes ? Si, par cela seul que dans l'aperception de cons- cience interviennent des éléments empiriques, des phénomènes, l'aperception totale est qualifiée d'empirique et de phénoménale, il est à jamais impossible que nous connaissions autre chose que des phénomènes, c'est-à -Jire la diversité, puisque le moi identique ne peut être connu que dans une aperception, et que cette apercep- tion, si pure qu'elle puisse être, doit nécessairement contenir quelque élément de diversité. Alors tout est nécessairement em- pirique; par exemple, l'intuition pure du temps, ou celle de l'es- pace, que Kant appelle des intuitions a j>riori, deviendraient des intuitions empiriques, parce qu'elles sont liées à des éléments sen- sibles et empiriques. Cette nouvelle théorie est la destruction de la théorie générale de la conscience, qui distingue dans toute con- naissance complète et achevée des éléments empiriques et des élé- ments a priori. Enfin Kant dit ailleurs (Logique transcendent aie, au chapitre de la distinction des phénomènes et des noumènes) : « Nous ne nous connaissons nous-mêmes que par le sens intime, et par conséquent comme phénomènes. » Puis il se contredit encore sur ce point comme sur les précédents, et on sent combien sa pensée est mal assurée par le grand nombre de passages où il revient sans cesse sur cette idée sans parvenir à Féclaircir. Dans une addition à la nouvelle édition qui forme le pa- ragraphe x x v , après avoir dit : « Nous ne connaissons notre propre sujet que comme phénomène, et non quant à ce qu'il est en lui- même, » il s'exprime de la manière suivante : « Au contraire, j'ai la conscience de moi-même dans la synthèse transcendentale de la di-