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ses chagrins ; ce que j'en ai appris, c'est d'ailleurs. Tout jeunes, ils
s'étaient aimés avec une jeune demoiselle, se promettant d'être l'un
à l'autre, mais ils n'avaient pas de fortune. Il prit un état, travailla
de bon courage pendant bien dos années, et une fois ses affaires
avancées, ils s'épousèrent. Je ne les ai pas connus dans ce temps,
si ce n'est qu'un jour je vis cette dame, bien jeune et bien pâle,
qui regardait à cette fenêtre. Ce n'est pas bien loin delà quelle mou-
rut. Son mal, je ne l'ai jamais su. Mais de ce jour mon pauvre maî-
tre a gémi, et vécu de regrets.... Voici deux ans qu'il déclinait, no
me parlant plus, jamais.... II y a huit jours,... huit jours seulement
Monsieur, qu'il m'a dit : ... Marguerite,... c'est bientôt fini !...
   La bonne femme s'arrêta quelques instants pour donner cours à
ses larmes.
    « ... Je vais te délivrer de moi,-., reprit-elle, en continuant son
récit.... Je suis étonné de vivre encore;... Et des propos ainsi, à
fendre le cœur, mon bon Monsieur, et auxquels que pouvais-je dire,
sinon pleurer?...
   A mesure qu'il s'est senti plus près de mourir, il me causait plus
souvent ; deux fois il m'a pris la main, ça ne lui arrivait jamais, de
façon que je croyais le voir reprendre vie ; mais quoique j'aie pu
faire, il n'a point voulu voir le médecin, disant que, grâce à Dieu,
son heure était venue ; qu'il no l'avait pas avancée, mais qu'il ne
voulait pas la reculer. « Marguerite, a-t-il dit, ma vie a été brisée
quand je croyais toucher au bonheur.... Ce qu'elle a été depuis, tu
l'as vu, trouves tu que je puisse la regretter?.... Que les heures cou-
lent;... chacune m'approche du terme où j'aspire               Elisa m'at-
tend,... elle m'appelle.... je vais la rejoindre, et cette fois pour tou-
jours ! !
   La bonne femme s'arrêtait souvent, interrompue par ses pleurs ;
moi-même, touché par ce récit, je me laissais attendrir, en sorte
que, oubliant tous les deux que nous nous parlions pour la première
fois, cet entretien prenait peu à peu le charme d'un confiant aban-
don, et je voyais avec plaisir le soulagement qu'éprouvait Margue-
rite à me parler de son maître.
    C'est vendredi qu'il est mort, continua-t-elle, vers dix heures du
 soir. Le matin il s'est encore assis sur son lit... Ilm'adit quelque chose