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sont à l'abri de ses atteintes! Que l'une précède l'autre dans le ciel,
c'est pourl'attendre, et dans cette attente même, auraient-elles cessé
d'être ensemble, d'être l'une à l'autre de se chercher, de se rencon-
trer sans cesse! Chassez ses craintes, chère maman, elles sont indi-
gnes d'un amour dont la flamme pure et céleste peut être attisée,
mais jamais éteinte par l'impuissante haleine des vents qui soufflent
sur cette terre. »
   Dès cette époque, ces craintes de ma tante avaient pris à ses yeux
un degré de réalité qui la préoccupait beaucoup. A divers signes elle
croyait reconnaître chez Elisa les indices secrets de quelque dépé-
rissement. Une pâleur plus habituelle avait remplacé les tendres cou-
leurs de ses joues ; quelque maigreur s'était mêlée à la finesse de ses
traits, et tandis qu'un air plus frêle s'attachait à son visage, le feu
calme et profond de son regard indiquait trop qu'une âme ardente mi-
nait lentement ce corps si gracieux et si fragile. Bientôt ces craintes
devinrent assez fortes pour provoquer des soins qui en révélèrent le
sujet à Widmer. Par le conseil des médecins, ma tante dut conduire
sa fille dans des climats plus doux, où néanmoins le voisinage des
monts mêlât à la chaleur de l'air son influence vive et restaura-
trice. Dès le printemps suivants, elles partirent pour la cité d'Aoste,
petite ville du Piémont, voisine des gorges du grand Saint-Bernard,
et où la proximité des Alpes tempère la chaude haleine des vents
d'Italie. Les deux amants se séparèrent, triste essai de la sépara-
tion plus longue dont ce jour était le présage !
   Mais pour les cœurs passionnés, tout est aliment à la flamme qui
les dévore. Dans ce nouveau séjour, Elisa, loin de Widmer, se
consumait de l'impatience de le rejoindre ; contrainte de ne plus le
voir, de ne plus lui parler, elle suppléait à ces douceurs par l'essor
de sa pensée constamment présente aux rives où elle savait que
Widmer coulait un ingrat exil ; elle observait en regard de son amant
ces lieux nouveaux, cette peuplade étrangère, ce pittoresque assem-
blagede ruines romaines et d'habitations modernes qui caractérisent,
la ville d'Aoste ; elle s'émouvait à centempler, si voisines de ce val-
lon fleuri, les cimes neigeuses des grandes Alpes, et jalouse de n'é-
prouver rien où son ami ne fût en part, elle passait les longues heu-
res du jour à lui retracer ses impressions, mêlant les poétiques