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301 Saint de quitter en hibou ses rochers crénelés pour aller droit à l'église de Notre-Dame faire ses stations. Mon Pierre fut heureux de l'y trouver. Cette fois je te découvre, lui dit-il; crois-tu qu'un homme de ma trempe puisse vivre chargé d'un outrage? Vicomte de Polignac je ne bois ni ne mange depuis que tu m'as honni... en garde !.. Et après avoir fait mettre en état de se défendre son adver- saire, notre Pierre le poussa si vigoureusement qu'il l'étendit roide mort sur le pavé. Mon aïeul, j'en conviens, n'avait pas assez réfléchi au res- pect qu'il devait au lieu où il se trouvait ; ce jour-là il avait encore à penser que le Sauveur souffrait mort et passion pour les hommes sur l'arbre de la croix, que toute l'église était en deuil, et qu'il fallait attermoyer. Enfin, après ce coup, il sortit de l'église par les grands degrés. Au bas il trouva un cheval d'Espagne qui l'attendait, il le monta et eut tout le temps de ga- gner Venise où il fut employé dans les guerres très honora- blement. Ses biens furent confisqués. Il ne resta à ses héritiers que la terre de Mons, qui fut sauvée par une hypothèque de mariage d'Audette, son épouse, fille du seigneur de la Bâtie ; terre malheureuse, dont toutefois la haute justice fut retran- chée et remise à la maison de Polignac. Or donc, c'est en mémoire de ce triste événement que de- puis les seigneurs de Mons ne peuvent aller à Notre-Dame sans avertir le sacristain, expressément chargé de leur oter leur épée. Et si j'ai manqué cette fois, ajouta le seigneur de St-Cha- mond, c'était par égard pour vous. Il m'en coûtait de vous sé- parer de vos armes. A tout péché miséricorde ! j'hésitais à vous confesser cette triste aventure; j'ai pu croire aussi qu'après tant de générations éteintes et le grand-pardon sur- venu, cette faute serait remise à ma famille , elle qui l'a su ra- cheter par trois siècles d'oeuvres pies...