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l'intelligence ; on a fait grand bruit du savoir de quelques moi-
nes, de quelques chartes écrites sans trop de solécismes, ad-
mettons : admettons que le flambeau de la science ait toujours
jeté quelque lueur, tant faible qu'elle fût, dans la solitude des
cloîtres, mais qu'on nous accorde aussi que le soleil de la pen-
sée n'était ni bien ardent ni bien vif : au treizième siècle,
l'idiome national s'est formé, le vent poétique de l'Espagne a
soufflé sur les peuples de la langue d'Oc, et les troubadours se
sont mis à chanter, et leur voix harmonieuse a trouvé un r a -
pide écho chez les rudes habitants du nord, qui, assouplissant
et façonnant peu-à-peu leur jargon dur et informe, trouvèrent
ces fabliaux railleurs et d'une moralité pratique qui ont amusé
si longtemps les chaumières et les châteaux : l'université de
Paris, centre d'un grand mouvement intellectuel, a mis en
honneur les disputalions scholastiques, fortes et fécondes gym-
nastiques de la pensée : Toulouse, Montpellier, Orléans, ont
vu affluer dans leur sein une multitude d'écoliers accourus de
toutes les parties de l'Europe, et l'enseignement public et libre
propage et vulgarise les idées longtemps emprisonnées dans les
murs des monastères, et dans l'enceinte sacrée des églises. —
Au onzième siècle, barbarie, brigandage et cahos, vague sen-
timent de tristesse et de désespoir : à la fin du treizième siècle,
commencement d'ordre et de civilisation, aisance et bien-être
matériels, foi dans l'avenir. Maintenant serait-il exact dédire
que celte heureuse révolution a été l'œuvre des croisades? Il y
aurait exagération à l'affirmer, et impossibilité de le démon-
trer; nous expliquerons tout-à-l'heure la nature de l'influence
qu'elles ont exercée. Poursuivons.
   Au onzième siècle, l'Allemagne était presque une monarchie
absolue. Henri-le-Noir enlevait et donnait à son gré, duchés,
comtés, évèchés et même la papauté : l'empereur s'intitulait
le suzerain des rois provinciaux du reste de la chrétienté, il
avait des prétentions hautaines et superbes ; la féodalité n'exis-