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108 mer des complots, des assassinats, des trahisons, puis à dénon- cer ceux qu'il avait entraînés dans ses crimes; prince incapa- ble d'attachement et d'affection, léger et insouciant, aussi gai après ces fréquentes dénonciations et le supplice de ses compli- ces que s'il n'avait pas laissé ses amis en route, suivant les propres expressions de sa fille? Nous devons avouer, néanmoins, que ces victimes illustres ne sont pas les seules, et que beaucoup d'autres furent jugées par les tribunaux de Richelieu et exécutées. Mais il faut prendre garde d'exagérer dans ce cas et s'imaginer, comme certains pamphlets le feraient croire, que la maison de Riche- lieu, à Ruel, fut un lieu de terreur et de supplices. Le nom de ceux que le cardinal y fit condamner est connu ; les pièces de leurs procès existent, et de leur examen résulte encore la preuve évidente qu'ils furent coupables de crimes, sinon aussi éclatants que les grands personnages dont nous venons de parler, du moins de crimes aussi certains. Une autre objection contre Richelieu, c'est que, dit-on, il enleva presque toujours les accusés à leurs juges naturels et les traduisit devant des commissions spéciales nommées par lui. A cette accusation nous avons répondu déjà que tels étaient les usages du temps ; que Richelieu se conforma à ce qui s'était fait avant lui, à ce qui se fit après. Si cette réponse était jugée insuffisante, nous ajouterions une considération d'un ordre plus élevé. Les hommes qui marchent en avant de leur siècle et lui ouvrent la voie vers un avenir encore inconnu, ne sont que rarement compris par leurs contemporains; souvent ils ont contre eux l'opinion publique et les préjugés. Dans un semblable état de choses, il est bon que la constitution offre des voies extraordi- naires pour des cas extraordinaires, et que la loi fournisse les moyens de se mettre, dans certains cas donnés, au-dessus des lois. C'est ainsi que les Romains avaient établi la dictature sans laquelle, dit Machiavel, ils n'auraient pu résister à des secousses