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124 bien que l'humanité n'aurait jamais atteint, si elle n'eût fait violence à l'idéal. Le second livre n'est rien moins qu'un vaste tableau de l'initiation générale. C'est la peinture abrégée de l'épreuve universelle, de la série des épreuves successives, au pris des- quelles est acheté chaque progrès, chaque initiation de l'hu- manité. L'homme est obligé de se faire de ses propres mains; créé en puissance d'être, il est obligé de s'achever lui-même ; il faut qu'il mérite la vérité, comme le bonheur ; et depuis cet événement mystérieux de la déchéance, le mérite ne peut exister qu'à la condition de l'effort, de la lutte, de la souf- france. Le progrès est successif, car, détachée de l'être infini, l'humanité, en prenant conscience d'elle-même, et, en se po- sant en face de Dieu, s'est placée dans le domaine du successif, du changeant- de là , la nécessité de l'épreuve, distribuée en séries et divisée sur l'échelle ascensionnelle du progrès, Trop frêle et trop misérable, l'homme n'aurait pu supporter tout le poids de l'expiation, si Dieu ne l'avait pas divisée pour la mé- nager aux forces progressives de l'être, dont le nom véritable est douleur. S'il lui avait fallu vider d'un seul coup son calice, la nature humaine n'aurait pas suffi à tant d'amertume. Veuve de lA'mour qu'elle a perdu par le désir indiscret d'une science et d'un bonheur surhumains, Psyché commence le travail de la vie ; elle est jetée dans le cycle historique dont elle va franchir successivement toutes les périodes, en laissant sur chacune d'elle des traces de son sang expiatoire. Nous ne sommes plus dans les régions de ce monde mythique où les fables de la terre ont placé notre origine; c'est le tableau de la triste réalité historique qui va se dérouler dans les chants du poète. Ce n'est rien moins qu'une philosophie de l'histoire exprimée symboliquement dans les aventures de Psyché e r - rant par l'univers, et cherchant partout cet idéal caché qu'elle doit mériter par ses souffrances, et conquérir par ses travaux.