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387 mes rudes de l'antiquité ; l'allégorie habite pêle-mêle avec les traditions mythologiques qui, alors déjà , n'étaient plus des nouveautés. C'était donc en réalité une décadence de la poésie lyrique, décadence qui demandait une nouvelle réforme. Elle ne lui manqua pas, et ce fut Malherbe à qui il fut donné de l'accom- plir : mais ne nous trompons pas sur le véritable caractère de Malherbe en tant que réformateur, et n'allons pas lui attribuer un génie et une importance qu'il n'eut jamais. Malherbe n'é- tait certainement pas un poète dans la plus belle acception de ce mot ; et c'est pour cela qu'il ne faut pas trop ennoblir pour lui ce tiîre de réformateur. Il n'a rien réformé, rien innové de fondamental dans la pensée et dans l'inspiration lyrique; seu- lement, doué de beaucoup de bon sens et de goût naturel, il sentait à merveille qu'il fallait une langue nationale à la France, et que cette langue, à peine formée, commençait déjà à se corrompre et à tomber dans le mauvais goût ; il en appela au sens commun pour donner de la pureté à l'expression et de l'harmonie à la phrase. Il ne fut donc pas, comme le dit bien à tort La Harpe, le créateur de la poésie lyrique, mais plutôt le créateur du style lyrique. Il ne fil que remettre sur la bonne voie des écrivains qui s'égaraient aveuglément ; il reconstruisit la forme de la strophe lyrique, il rendit au style de l'ode et de l'hymne d'abord la clarté, la dignité, la correction qui lui manquaient, puis le rhythme et la cadence. En détruisant tout ce qu'avait de pédantesque et de barbare l'ode empruntée aux Grecs et aux Latins, tout ce qu'il y avait de peu français dans la langue, moitié italienne, moitié gasconne, qu'on parlait alors, Malherbe a fait une œuvre vraiment nationale, et cette gloire est bien assez belle, sans qu'il faille faire de lui un poète de génie. D'ailleurs il ne s'est point borné à prêcher cet ap- pel au bon goût et au sentiment de l'harmonie, il en a donné lui-même de nombreux modèles qui, aujourd'hui encore, ne