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 ce n'est pas assez, je veux que cette union soit scellée devant Dieu,
 je veux que mafiancéeme soit remise par vous devant les autels, que
 la mort m'enlève mon épouse et non plus seulement mon amante;...
 à cette condition je supporterai la vie? »
    Tels étaient les projets de cet infortuné. On y reconnaît cette teinte
 d'exaltation qui avait toujours présidé à leurs amours, et qui, si elle
 avait contribué à resserrer ce nœud maintenant si affreux à rompre
 alors du moins, versait du baume sur leurs blessures, et trompait
 quelques instants leurs douleurs. Pour Elisa, surtout, dont les
jours étaient comptés, ces choses n'étaient point sans douceur :
Widmer répondait à son attente; ce qu'elle eût fait elle-même, elle
 voyait avec joie son amant le faire ; la mort ne détruisait plus cette
 union qui avait été le rêve de sa vie, et la tombe, pour y attendre
Widmer, lui semblait plus légère. Cela seul me fait goûter à ce pro-
jet un charme consolateur, il me semble plus touchant qu'étrange
alors que je songe qu'il peut adoucir, pour cette victime, l'horreur
du sacrifice. Dès qu'il fut formé, Elisa parut reprendre quelque vie,
son regard se ranima, une force factice soutint ses membres, et, du
sopha, où elle demeurait étendue, elle prenait part elle-même aux
préparatifs de cette journée.
   Mme Meyer sentant l'impossibilité de résister au vœu de ces deux
amants, s'était occupée à prendre des mesures qui pussent en assurer
l'accomplissement. Elle avait toujours conservé des relations avec
le pasteur qui avait instruit Elisa dans sa religion : ce fut à lui qu'elle
s'ouvrit en implorant son appui. C'était un digne vieillard qui des-
servait la cure de Sattigny, petit village du Mandement. 11 offrait de
tâcher d'obtenir une autorisation pour venir dans la maison même
pour bénir ce mariage, afin d'éviter à Elisa les fatigues d'un déplace-
ment, mais cette jeune fille, consultée par sa mère, s'y opposa ; en
sorte qu'il fut convenu que, dès le jour suivant, après le coucher du
soleil, une. voiture se trouverait devant l'église, et qu'à cette heure
le pasteur se tiendrait prêt à monter en chaire.
    Widmer, Mm» Meyer et Elisa passèrent ensemble toute la jour-
née du lendemain. Cette jeune fille, devinant au travers du calme
des visages la secrète angoisse de ses deux amis, leur tenait d'af-
fectueux discours, et tâchait de leur communiquer sa tranquille rési-