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                     CHRONIQUE LITTÉRAIRE.



 ACADÉMIE FRANÇAISE.      ÉLECTION   DE   M.   PATIN.   CANDIDATURE DE M .   ALFRED


                                     DE   VIGNY.




    La candidature de M . Alfred de Vigny vient d'échouer de nouveau à l'Aca-
démie française ; celte fois, du inoins, c'est un littérateur qu'on a choisi.
M . Patin, professeur de poésie latine à la Sorbonne, est auteur de travaux esti-
 mables, quoique leur renommée ne dépasse pas le cercle universitaire , et son
élection serait ratifiée par l'opinion publique si elle n'avait pas été faite au pré-
judice d'un poète aussi éminent qu'Alfred de Vigny. La haute critique et l'éru-
dition ont tous droits à l'Académie, cependant il semblerait assez convenable
d'admettre les écrivains originaux avant les commentateurs ; c'est du moins
l'ordre logique ; les poètes d'abord, les critiques ensuite. Virgile, Horace et
Lucrèce ont écrit sans M . Patin, et il n'est pas prouvé que M . Palin eut écrit
sans Horace et sans Virgile. Ceci soit dit sans porter atteinte au mérite réel du
spirituel professeur, mais les gens du monde et les gens de lettres séculiers onl
été fort surpris de voir surgir inopinément cette candidature, et plus sur-
pris encore de la voir ainsi réussir de prime abord, tandis qu'un de nos
poètes était sur les rangs pour la troisième fois ; on a pensé que l'Académie
française est destinée un peu plus à la poésie française qu'à la poésie latine,
et qu'en faveur d'Alfred de Vigny, ou de Bérenger, ou de Sainte-Iîreuve, l'Aca-
démie pourrait bien surseoir quelques instants aux docteurs en Sorbonne.
Mais l'Académie aime à dérouter toutes les prévisions ; elle fait étudier les
comédies d'Alexandre Duval par le mystique Ballanche, et confie au vaude-
viliste Ancelot l'éloge du philosophe Bonald ; en prenant place chez elle,
Victor Hugo se met sous l'invocation de Malesherbes, et cherche à donner pour
étui à sa lyre, un portefeuille de ministre ; nous y verrons sans doute M . Pas-
quier, secouant de sa simarre des feuilles d'automne.
    L'élection de M . Patin s'explique du reste comme celle de M. Pasquier,
malgré toute l'étrangeté de ce rapprochement. C'est toujours la même question
 de prédominance de tout ce qui se rattache au pouvoir et aux positions offi-
 cielles ; c'est dans l'Académie la même indépendance qui se rencontre partout
ailleurs. Avant i83o,lesvéritables maîtres au fond, c'étaient la presse et l'esprit
public; on faisait alors des choix d'opposition au gouvernement ; à l'heure
qu'il est, le vent est au pouvoir, à ceux qui donnent ou reçoivent les places ; le
mérite se découvre là où se trouve la sanction d'un emploi officiel. Si M . Palin
avait seulement produit ses œuvres devant l'Académie sans être collègue en
Sorbonne de tel ou tel ministre, et affilié à ceux qui gouvernent, M . Patin, avec
tout son mérite, n'aurait pas vu l'Académie s'ouvrir ainsi devant lui à la pre-
mière sommation. Voulez-vous une preuve de l'indépendance académique ; un
candidat a balancé au premier tour les chances de M . Patin ; cette grande