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rent la simplicité naïve d'une société à peine formée. Cepen-
dant il est un caractère remarquable par lequel ces poésies tou-
chent au côté léger et sentimental de la poésie lyrique, c'est-
à-dire à l'élégie, qui tient de près a l'ode, mais qui n'en est
que le parfum le plus suave, qui n'est que l'expression rêveuse
d'un cœur tendre et affligé, tandis que l'ode est l'élan passionné
d'une ame fortement émue. Rappelez à vos souvenirs quelques
vers des poètes du XVe siècle, et vous y surprendrez un certain
ton de mélancolie qui étonne chez ces poètes de cour ou digni-
taires de l'église que la fortune comblait de ses faveurs. Je ne
parle pas de la fausse Clotilde de Surville, dont une critique
éclairée a fait justice depuis plusieurs années ; mais entendez
le poète favori de Marguerite d'Ecosse, Alain Chartier, déplo-
rer dans ses vers l'ambition des hommes et l'inconstance de la
fortune :

    O fols des fols, et les fols mortels hommes,
    Qui vous fiez tant ez biens de fortune !
    En celle terre, et pays où nous sommes,
    Y avez-vous de chose propre aucune ?
    Vous n'y avez chose vostre nesune (aucune),
    Fors les beaux dons de grâce et de nature,
    Si fortune donc, par cas d'aventure,
    Vous toult les biens que vostres vous tenez,
    Tort ne vous fait, ainçois (mais) vous fait droiture :
    Car vous n'aviez rien quand vous fustes nez.

   Voyez encore quelle douce et aimable tristesse, quelle mo-
notonie plaintive domine dans ces vers de Charles d'Orléans,
le digne père de Louis XII :

         En Iaforest d'ennuyeuse tristesse,
         Un jour m'advint qu'à part moi cheminoye ;
         Si rencontrai l'amoureuse déesse
         Qui m'appella, demandant oùj'alloye.