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287 tions quotidiennes des occidentaux ? Concevrait-on qu'il ne fût venu à l'idée de personne de s'enquérir des arts, des mœurs et des croyances de ces nations lointaines et étrangères, et qu'une philosophie vulgaire n'eût tiré aucun profit de compa- raisons, d'inductions qui se présentaient d'elles-mêmes? Et ne savons-nous pas que la poésie trouva dans ces expéditions aventureuses des sources intarissables de nobles et touchantes inspirations dont le souvenir a enfanté le chef-d'œuvre des littératures modernes? Les Croisades ont uni et rapproché les hommes : elles ont contribué à effacer la ligne de démarcation qui séparait et di- visait les castes. Le serf se sentit quelque chose, quand il eut une épée dans la main, qu'il put courir les mômes aventures que son seigneur et au besoin tuer comme lui un infidèle ; le bourgeois né de la veille à la liberté, mais affranchi rude et mal élevé, se polit et s'adoucit au contact des idées d'hon- neur et de courtoisie qui passèrent de la chevalerie dans les mœurs publiques; le baron dût rabattre un peu de son arro- gance et de sa fierté lorsqu'il vit un bourgeois ou un serf se battre à ses côtés tout aussi vaillamment que lui, monter bra- vement à l'assaut comme lui, lorsque sur les galères qui por- taient dans les lointains rivages des matelots ou des marchands Génois, Pisans et Vénitiens, il vit des gens qui traitaient avec lui d'égal à égal, et qui consentaient à lui accorder aide et as- sistance : et tout le monde y gagna, le serf un peu de dignité, le bourgeois un peu de sociabilité, le seigneur un peu d'huma- nité. N'était-ce pas là un acheminement vers un état de chose meilleur?... Et aussi, c'est parce que l'aristocratie féodale est impuis- sante à réaliser le bien que nous espérons, que nous applau- dissons à sa déchéance, autre résultat des Croisades : ils ne mouraient pas tous, vous le savez, ces barons qui avaient pris la croix, il en restait partout sur la route : les uns, c'était le