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tions quotidiennes des occidentaux ? Concevrait-on qu'il ne fût
venu à l'idée de personne de s'enquérir des arts, des mœurs
 et des croyances de ces nations lointaines et étrangères, et
qu'une philosophie vulgaire n'eût tiré aucun profit de compa-
 raisons, d'inductions qui se présentaient d'elles-mêmes? Et ne
savons-nous pas que la poésie trouva dans ces expéditions
 aventureuses des sources intarissables de nobles et touchantes
inspirations dont le souvenir a enfanté le chef-d'œuvre des
 littératures modernes?
     Les Croisades ont uni et rapproché les hommes : elles ont
contribué à effacer la ligne de démarcation qui séparait et di-
 visait les castes. Le serf se sentit quelque chose, quand il eut
une épée dans la main, qu'il put courir les mômes aventures
que son seigneur et au besoin tuer comme lui un infidèle ;
le bourgeois né de la veille à la liberté, mais affranchi rude et
mal élevé, se polit et s'adoucit au contact des idées d'hon-
neur et de courtoisie qui passèrent de la chevalerie dans les
mœurs publiques; le baron dût rabattre un peu de son arro-
gance et de sa fierté lorsqu'il vit un bourgeois ou un serf se
battre à ses côtés tout aussi vaillamment que lui, monter bra-
vement à l'assaut comme lui, lorsque sur les galères qui por-
taient dans les lointains rivages des matelots ou des marchands
Génois, Pisans et Vénitiens, il vit des gens qui traitaient avec
lui d'égal à égal, et qui consentaient à lui accorder aide et as-
sistance : et tout le monde y gagna, le serf un peu de dignité,
le bourgeois un peu de sociabilité, le seigneur un peu d'huma-
nité. N'était-ce pas là un acheminement vers un état de chose
meilleur?...
    Et aussi, c'est parce que l'aristocratie féodale est impuis-
sante à réaliser le bien que nous espérons, que nous applau-
dissons à sa déchéance, autre résultat des Croisades : ils ne
mouraient pas tous, vous le savez, ces barons qui avaient pris
la croix, il en restait partout sur la route : les uns, c'était le