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celonne se bornaient au petit cabotage, et leurs matelots ne
quittaient guère les rivages. Or, nous savons maintenant com-
bien de flottes ont parcouru la Méditerrannée dans tous les
sens et exploré les parages du Levant; elles portaient des vi-
vres ou des soldats à Tyr ou à St-Jean-d'Acre, puis elles s'en
allaient trafiquer à Alexandrie, à Chypre, en Grèce, à Cons-
tantinople, et en revenaient chargées d'or et des productions
de toutes sortes qu'elles distribuaient à l'Occident. Le sable de
Tyr alimentait les fabriques de verres de Venise ; le millet fut
apporté d'Almahadia sur un vaisseau de Pise; la soie, de l'Ar-
chipel ; le sucre, d'Egypte; les moulins-à-vent, de l'Asie-Mi-
neure... Delà, la prodigieuse fortune de ces grandes républi-
ques italiennes, de Marseille et de Barcelonne; de là aussi, la
richesse et l'activité des villes flamandes, de Bruges, ce grand
entrepôt du nord, où se donnaient, rendez-vous les négociants
de dix-sept royaumes. C'était une révolution que l'introduc-
tion de l'industrie et du commerce au sein de la société du
moyen-âge : le commerce, puissant auxiliaire des civilisations,
lie les peuples entr'eux, enfante et multiplie la richesse, pro-
cure des jouissances nouvelles, et crée dans chaque nation une
classe d'hommes laborieux, plus éclairés, et intéressés aux
progrès de l'ordre, de la paix et de la liberté.
   Les Croisades ont ouvert une sphère nouvelle à la pensée,
aux arts et aux sciences. Concevrait-on que parmi tant de mil-
liers d'hommes voyageant à travers la civilisation grecque et
mahométane, il ne fût venu à l'idée de personne de compa-
rer la beauté et la magnificence de Constanlinople et du
Caire à l'aspect misérable de Paris et de Vienne, tant d'édifi-
ces et d'admirables monuments, de riches palais, de maisons
élégantes, de plaines fertiles et bien cultivées, avec la pau-
vreté de l'Occident, ses châteaux sombres et mal bâtis, ses
chaumières tristes et malsaines, les jouissances de la vie ma-
térielle des orientaux avec la nourriture grossière et les priva-