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212 d'absolu ; s'il ne tombe pas sous la conscience, elle n'en sait rien; et qu'en savons-nous alors, et de quel droit en parlons-nous? Et puis cette substance à laquelle on arrive d'une si merveilleuse manière, et à travers mille paralogismes, cette substance, quelle estrelle? Né- cessairement une substance qui, étant étrangère à toute aperception de conscience afin de n'être pas un phénomène, est un être indéter- miné, l'être pur qui peut servira la fois, dans l'immensité et dans le vide de son indétermination, à toute espèce de phénomène, à l'eau qui coule, au vent, qui souffle, à l'insecte qui bourdonne, et à Kant qui réfléchit. Sans doute, dans un sens sublime et vrai, nous ne sommes que des phénomènes, comparés à l'être éternel et absolu, puisque nous ne sommes que des êtres relatifs, dépendants, limités, finis, qui n'ont point en eux-mêmes le principe de leur existence, tout comme la force causatrice dont nous sommes doués suppose elle-même une cause première de laquelle tout est parti, nous comme tout le reste. Mais parce que nous ne sommes pas la cause première, nous n'en sommes pas moins des causes réelles ; de même pour n'être point la substance éternelle, nous n'en avons pas moins notre part de substantialité. Le moi un et identique est pour nous le sujet per- manent de toute connaissance comme de toute intuition ; ce sujet est le fond même de la conscience. Sans l'expérience, il n'y aurait point de sensations, d'intuitions, de représentations, par conséquent pas de conscience ; et, par conséquent encore, le sujet même de la conscience ne nous serait jamais connu. Mais de ce que sans expé- rience nulle connaissance no serait possible, s'ensuit-il que toute connaissance soit exclusivement expérimentale ? J'en appelle à Kant lui-même, dans l'admirable introduction de la critique de la raison pure. Parce qu'il y a toujours quelque chose de phénoménal dans la conscience, n'y a-t-il dans la conscience que des phénomènes, et l'unité sur laquelle elle repose n'est-elle pas l'unité d'un être réel qui s'affirme lui-même à titre d'être quand il dit : Je, moi ! Plus tard cet être, apercevant ses limites, s'élèvera jusqu'à une existence su- périeure à la sienne ; mais d'abord il se connaît comme existant, et se distingue parfaitement de la diversité phénoménale qu'il aperçoit en même temps qu'il s'aperçoit lui-même. Loin que le, moi soit un phénomène, il ne se connaît comme moi qu'en se distinguant comme