Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                         153
l'armée anglaise de Bordeaux ; Orléans, c'est le dernier boulevard de la
 France.
   C'est à cette triste et douloureuse époque que commence le livre de M . Mi-
chelet. Mais pourquoi tout d'abord ce chapitre sur l'Imitation de Jésus-Christ ?
pourquoi ces rapprochements entre la mort et la résurrection de l'âme, et la
mort et la résurrection d'un peuple ? pourquoi ces mystiques allégories ? Est-it
bien sûr q u e , sans Vlrnilation, la France serait demeurée anglaise, et que c'est de
Vlmitation qu'est sorti le patriotique élan de la population des villes et des
campagnes ? mais lisez ensuite l'admirable histoire de la Pucelle ; que de
charme et de vérité dans ce récit ! oui, c'est bien là Jeanne d'Arc, l'héroïque
et sainte fille du peuple, avec ses visions et son courage, son exaltation et son
bon sens ; et quel touchant tableau de sa passion et de son martyre ! n'allez
pas faire un crime à l'historien de la hardiesse inusitée de quelques expres-
sions ; l'artiste ollénse-t-il les regards par la nudité des formes ? — L'Angle-
terre ne gagna rien à l'odieuse exécution de Jeanne d'Arc : l'élan avait été
donné, et les bons Français osaient maintenant regarder l'Anglais en face : le
duc de Bourgogne qui n'avait jamais eu grande raison d'aimer les Anglais, et
qui n'en avait plus de les craindre, consentit à faire grâce à Charles V I I , et à
signer avec lui la paix d'Arras : Bichemont entra à Paris ; les batailles de
Fourmigny et de Castillon nous valurent la Normandie et l'Aquitaine, et les
Anglais chaque jour plus humiliés et plus enrages, mais ne voulant jamais s'a-
vouer leur impuissance, aimeront mieux s'accuser les uns les autres, crier à la
trahison, jusqu'à ce que l'orgueil et la haine tournent « en cette horrible mala-
die que l'on a baptisée du poétique nom de guerre des roses. »
   La France a recouvré son unité, en même temps que l'Angleterre perd la
sienne, mais quelle misère et quelle barbarie ! quel désordre et quel chaos !
M . Michelet explique parfaitement le travail de restauration qui se fait à petit
bruit sous Charles V I I , et ne finit pas : il doit durer tant qu'à coté du roi,
subsiste un roi, le duc de Bourgogne. Nulle part on n'a mieux fait toucher du
doigt l'incohérence et la désharmonie réelles des possessions de cette fameuse
maison de Bourgogne ; discordant assemblage de pays si divers, étrange asso-
ciation d'éléments hostiles, variété infinie de langues et de dialectes, de mœurs
et de coutumes, antipathies de province à province, de ville à ville. Magnifi-
que chimère ! brillant échafaudage, dont la démolition était réservée au génie
de Louis X I .
  M . Michelet nous donne plus de volumes qu'il n'en avait d'abord promis :
assurément ceux qui les lisent ne s'en plaindront pas, car jamais science plus
variée et plus sûre n'a été revelue d'une forme plus belle et plus séduisanle.
                                                           ACH. FRANÇOIS.