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les années suivantes, Louis XIV vit le Louvre, Saint-Ger-
main, puis Versailles, se peupler des descendants des grandes
familles, les égales de ses pères, qui mendiaient, en frémis-
sant quelquefois, mais tout bas, un coup d'Å“il caressant du
maître, une parole flatteuse d'un secrétaire-d'état, homme de
rien et sans aïeux ; qui, recevant des plaques et des cordons
du roi, s'humiliaient à porter sa livrée. Sous Louis XV, au
moment où la royauté se traînait dans la boue, les grandes
familles l'y suivaient avec une humilité parfaite. Les nobles se
courbaient devant tout ce qui représentait ou approchait la
royauté : ils mendiaient un regard flatteur d'une courtisanne,
devenue la maîtresse du roi, et se faisaient, pour lui complaire,
les pourvoyeurs du Parc-aux-Cerfs ! Richelieu avait porté la
cognée à l'arbre, et, un siècle après lui, l'arbre était abattu.
La révolution n'eut qu'à donner le coup de grâce à une
aristocratie avilie et méprisée, qui ne s'est pas relevée depuis
et ne se relèvera jamais (1).

    (i) « C'est ainsi, dit spirituellement M me de Motteville, que Richelieu
faisait de son maître son esclave, et de cet illustre esclave un des plus grands
 monarques du monde. »— M me de Motteville n'est pas le seul écrivain con-
temporain qui ait rendu justice à Richelieu ; Fontenay-Mareuil appelle à
jamais heureux pour la France le jour où le cardinal entra au conseil. Voiture,
 dans une lettre datée de Corbie, le 24 décembre i636, et insérée dans les le-
 çons de M. Tissot ( I, p. 468 ), a fait un admirable éloge de la politique et
 des grandes actions de Richelieu, à l'intérieur et à l'extérieur, et terminé
 l'énumération des glorieuses conquêtes du ministre par ces belles paroles :
 « Lorsque, dans deux cents ans, ceux qui viendront après nous liront ces
  « grandes actions, s'ils ont quelques gouttes de sang français dans les veines,
 « pourront-ils lire ces choses sans s'affectionner à lui ; et, à votre avis, Fai-
  « meront-ils ou l'estimeront-ils moins à cause que, de son temps, les rentes de
  « FHôtel-de-Ville se seront payées un peu plus tard ? » — A la fin du siècle,
 au milieu des splendeurs de Louis XIV, Fléchier, avec cet esprit d'antithèses
 ordinaire dans ses discours, parlait avec enthousiasme de Richelieu : toujours
  employé et toujours au-dessus de ses emplois ; capable de régler le présent et de
  prévoir l'avenir; rempli de ees dons excellents que Dieu fait a certaines âmes