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103 « des petits qui sont arbres, qui ne portent pas d'ombre, et « ainsi qu'il faut bien traiter les grands faisant bien, c'est « eux aussi qu'il faut plutôt tenir en discipline (1). » Les grands eux-mêmes comprenaient bien cette politique et ses résultats inévitables. Aussi, Puylaurens, l'ancien favori de Gas- ton, nommé duc et pair par Richelieu, disait-il qu'il faisait peu de cas de ces litres, puisque son excellence faisait mieux couper la tête à un pair qu'à un bourgeois. Le duc de Saint- Simon, ennemi de Richelieu, parce que celui-ci avait été l'ennemi des grands, nous révèle un autre moyen employé par le cardinal, et, plus tard, par Mazarin, son élève, pour affaiblir et avilir l'aristocratie. C'était de répandre les titres à profusion, de créer chaque jour des nobles, de donner des duchés et des comtés pour la moindre action, de telle façon, dit le spirituel et caustique défenseur des gentilshommes, qu'au bout de quelques années il devînt également honteux et de l'être et de ne Vêlre pas. L'opinion publique et le sen- timent national ne s'y sont pas trompés. Lors de la révolution, au moment où, dans l'effervescence de la destruction des pré- jugés et de la vieille société, on faisait disparaître avec une égale ardeur et ses institutions et même ses titres de gloire, il resta, au fond de toutes les consciences et dans le cœur des plus enthousiastes révolutionnaires, un sentiment de respect et de reconnaissance pour Richelieu. Ce sentiment se reproduit assez fréquemment dans les discours de Mirabeau, de Camille Desmoulins, de Robespierre lui - même. C'est qu'en effet Richelieu réussit à merveille. Quelques années plus tard, il est vrai, la Fronde ranima encore les révoltes contre l'autorité royale ; mais cette ridicule parodie des troubles de la Ligue, ce complot d'enfants, si bien nommé, comme on l'a dit, d'un jeu d'enfants, fut le dernier effort de l'aristocratie expirante. Dès ( i ) ïllein. de Richelieu, I. VU, p. 177, et I. X I , p . 34n.