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 moi, un homme à la hauteur de cette grande tâche, devrait
 occuper ma place. Qu'il vienne ! Je la lui céderai avec joie.
 Combien de beaux talents, combien d'hommes plus jeunes que
 moi n'ai-je pas vu avec regret se fatiguer et se tourmenter de
 formules et de moyens, dont je savais d'avance qu'ils ne tire-
raient aucun profit ! avec quel plaisir ne les aurais-je pas atti-
rés vers moi pour leur offrir mes conseils, à eux qui ne vou-
 laient rien savoir de moi ! Je sentis donc à la fin la nécessité
 de mettre moi-même la main à l'œuvre, si je voulais la réalisa-
 tion de ce que je reconnaissais comme nécessaire et comme
une exigence impérieuse du moment; je sentis, dis-je, d'après
 toute l'histoire de la philosophie actuelle, que j'avais seul été
 réservé pour cette œuvre, lorsque tout à coup je fus appelé
 dans cette métropole de la philosophie allemande, à occuper
 cette chaire d'où chaque parole, profondément pensée, est
 aussitôt lancée dans toute l'Allemagne et môme au-delà de ses
frontières; cette chaire dont l'influence est décisive, et où
 doivent s'accomplir les destinées de la philosophie allemande.
C'est alors et dans un moment si solennel, après que Dieu
m'eût gratifié d'une si longue vie, que je me suis vu forcé
d'obéir à cet appel de la philosophie, de ce génie de ma vie
entière. Ce n'est que cette pensée et cette conviction qui ont
pu me déterminer.
    Je ne nie cependant pas qu'il n'y eût d'autres motifs: l'hon-
neur de servir un roi qu'un trône glorieux ne saurait élever
plus haut qu'il ne l'est déjà par lés qualités de son cœur et de
son esprit, et auquel j'ai voué ma vénération avant même
qu'une pourpre royale l'eût rendu plus auguste ; l'honneur de
servir le pays et le peuple à l'énergie morale et politique du-
quel tout vrai allemand est accoutumé dès son enfance à ren-
dre hommage,—hommage qui n'a pu que s'accroître depuis les
événements à jamais mémorables qui se sont accomplis de nos
jours ; — enfin, l'honneur de servir cette ville qui est toujours