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89 moi, un homme à la hauteur de cette grande tâche, devrait occuper ma place. Qu'il vienne ! Je la lui céderai avec joie. Combien de beaux talents, combien d'hommes plus jeunes que moi n'ai-je pas vu avec regret se fatiguer et se tourmenter de formules et de moyens, dont je savais d'avance qu'ils ne tire- raient aucun profit ! avec quel plaisir ne les aurais-je pas atti- rés vers moi pour leur offrir mes conseils, à eux qui ne vou- laient rien savoir de moi ! Je sentis donc à la fin la nécessité de mettre moi-même la main à l'œuvre, si je voulais la réalisa- tion de ce que je reconnaissais comme nécessaire et comme une exigence impérieuse du moment; je sentis, dis-je, d'après toute l'histoire de la philosophie actuelle, que j'avais seul été réservé pour cette œuvre, lorsque tout à coup je fus appelé dans cette métropole de la philosophie allemande, à occuper cette chaire d'où chaque parole, profondément pensée, est aussitôt lancée dans toute l'Allemagne et môme au-delà de ses frontières; cette chaire dont l'influence est décisive, et où doivent s'accomplir les destinées de la philosophie allemande. C'est alors et dans un moment si solennel, après que Dieu m'eût gratifié d'une si longue vie, que je me suis vu forcé d'obéir à cet appel de la philosophie, de ce génie de ma vie entière. Ce n'est que cette pensée et cette conviction qui ont pu me déterminer. Je ne nie cependant pas qu'il n'y eût d'autres motifs: l'hon- neur de servir un roi qu'un trône glorieux ne saurait élever plus haut qu'il ne l'est déjà par lés qualités de son cœur et de son esprit, et auquel j'ai voué ma vénération avant même qu'une pourpre royale l'eût rendu plus auguste ; l'honneur de servir le pays et le peuple à l'énergie morale et politique du- quel tout vrai allemand est accoutumé dès son enfance à ren- dre hommage,—hommage qui n'a pu que s'accroître depuis les événements à jamais mémorables qui se sont accomplis de nos jours ; — enfin, l'honneur de servir cette ville qui est toujours