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Au dehors comme dans l'intimité, la vie de Fourier n'a présenté qu'un
seul acte , permanent, ardent, tenace, le développement de son système;
fortune, famille, douceurs de l'existence, honneurs du talent, il n'a rien
connu, rien cherché, rien désiré. Ses disciples se sont plutôt formés par
l'irrésistible attrait de sa puissance qu'il n'a de lui-même ravi leur dévotion.
Aussi écrivait-il : « Lorsque les preuves de ma découverte seront reprodui-
tes , et qu'où verra s'approcher l'instant d'en recueillir les fruits ; lorsqu'on
verra l'unité universelle prête à s'élever sur les ruines de la barbarie et de
la civilisation, les critiques passeront subitement du dédain à l'ivresse; ils
voudront ériger l'inventeur en demi-dieu, et ils s'aviliront de rechef par des
excès d'adulation, comme ils vont s'avilir par des railleries inconsidérées. »
Telle était la confiance énergique du penseur en lui-même.
C'est dans un galetas qu'est venue se terminer la carrière de l'auteur du
nouveau monde industriel et de l'art d'associer les hommes, de ce grand réfor-
mateur qui, dans son amour pour l'humanité, rêvait pour tous l'aisance et
le bonheur , et voulait convertir le bagne social en un Elysée. On a pour-
suivi l'utopiste de sarcasmes; on l'a laissé mourir solitaire, pauvre, déses-
péré, dans une société où se pavanent tant de gloires usurpées, sans se
demander s'il n'y avait pas du génie dans cette tête qui avait appliqué la loi
de Newton et les calculs de Kepler au monde social.
Le rêve d'un homme de bien est toujours honorable ; mais, comme l'a dit
notre Béranger, qui a écrit quelquefois en vers "comme Pascal écrivait en
prose :
Vieux soldats de plomb que nous sommes,
Au cordeau nous alignant tous ,
Si des rangs sortent quelques hommes ,
Nous crions tous : A bas les fous!
On les persécute , on les tue ,
Sauf, après un long examen ,
A leur dresser une statue
Pour la gloire du genre humain.
Fourier nous dit : Sors de la fange,
Peuple en proie aux déceptions,
Travaille, groupé par phalange ,
Dans un cercle d'attractions ;
La terre , après de longs désastres,
Forme avec le ciel un hymen ,