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   En même temps Charlemagne avait marché de nouveau
au combat. Autour de lui l'herbe verte se teignit de sang
sarrazin. Mais par où passait Oger, il faisait avec sa lourde
épée un chemin qui n'aurait pas été trop étroit pour le
plus énorme charriot. Maint baron est occis, maint baron
reste prisonnier. Mais cette fois ce sont partout les payens
qui ont tort. Sur tous les points de la vaste bataille, les
chrétiens ont raison à leur tour. En ce moment les trom-
pettes de l'avant-garde se font entendre. Roland et les
paladins égarés dans les bois depuis le matin viennent
par derrière attaquer les Sarrazins avec furie. Au son
qu'ils connaissent si bien du terrible cor d'ivoire, ils s'en-
fuient de toutes parts, maudissant leur dieu Mahom et
leur dieu Tervagant. Nos Français n'en prirent pas u n ,
mais ils les tuèrent tous. Nul n'escapa, se la geste ne
ment. Jamais, en aucun temps, en aucun lieu, on ne vit
pareille misère. Le Tibre et la mer d'Italie furent rouges
de sang payen.
   Alors seulement les mains des chevaliers français furent
lasses, mais non pas rassasiées de carnage. Ils s'arrêtent,
le front ruisselant de la noble sueur du combat. On parle
de cette grande victoire et des faits d'armes que leurs
derniers neveux n'oublieront pas.
   L'éloge d'Alori est dans toutes les bouches; car on
croyait encore que c'était lui qui avait sauvé l'armée. Mais
lorsque l'enfant Oger eut délacé le heaume étincelant
qu'il avait enlevé au lâche marquis de Mantoue, et qu'une
chevelure de page ruissela en boucles d'or sur son armure
de chevalier, l'étonnement, la joie, l'ivresse, éclatèrent
autour de l u i , et se propageant de proche en proche,
apprirent à l'empereur quel était son sauveur et celui du
peuple chrétien.