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2 98 — Sire, interrompit le bon archevêque de Rheirns (qui venait tout hors d'haleine se placer aux côtés de l'empe- r e u r , comme son chapelain de bataille), que cherchons- nous encore, puisque nous avons trouvé? chevauchons sur eux dru et ferme, et bientôt nous les jeterons tous dans la mer profonde. — Saint-Denis, conseillez-moi, dit Charlemagne ; à qui donc donnerai-je mon oriflamme à porter? Où est Roland, où sont mes paladins, que j'avais envoyés si loin des murs en avant-garde ? Hélas ! ils sont peut-être déjà tombés sous le fer des mécréants. Alori le Lombard le conseilla ainsi : Donnez-moi l'ori- flamme , dit le marquis de Mantoue ; je suis de noble race et de grande parenté. Je la porterai de manière à vous faire honneur, et je tuerai du fer de sa lance le redou- table Gorsuble, l'amiral de tous ces payens. — J'y consens, dit Charlemagne. Et après avoir remis le vermeil gonfanon entre les mains du Lombard Alori , il donna l'ordre de se précipiter sur les Sarrazins. Il eut, hélas ! bien fait de mieux confier son oriflamme 3 car par Alori maint chrétien devait périr dans les champs d'Italie. Francs et payens s'élancent de toute la force de leurs chevaux, les freins abandonnés. Là vous eussiez vu des combats le plus mortel; tant de lances voler en éclats, fausser et rompre tant de heaumes brunis, démailler tant de hauberts étincelants, percer tant de boucliers et de cuirasses, tant d'hommes trébucher et rouler morts les uns sur les autres, que la plaine immense en fut jonchée en un instant. Chacun de nos Français cherche un ennemi dans la mêlée et le frappe sans quartier. Le combat fut immense, acharné, impitoyable. Turcs, Persans, Sarrazins, Indiens, Arabes, Agoulans et géants