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57 tomber dans les conjectures. Bacon n'avait pas encore posé les bases de la science moderne. Revenu de ses voyages, et encore enivré des applaudis- sements qui partout l'avaient accueilli, Pic de laMirandole dut s'interroger sur le but proposé et sonder son acquis. Je ne sais si, de cet examen, il rapporta une conviction bien ferme de son omniscience, une foi bien sincère dans l'universalité de son esprit; toujours est-il que ce fut alors, en i 4 8 6 , qu'il se rendit à Rome , et y publia cette fameuse tbèse : De omni Re Scibili, sur tout ce qui relève de l'in- telligence , matière qu'il eut soin toutefois de resserrer dans les bornes de neuf cents propositions. Il s'engageait à défrayer tous les savants qui viendraient argumenter contre lui. Ce trait de vanité plutôt que d'orgueil excita l'envie de graves personnages. Treize de ses propositions furent dénoncées au pape Innocent VIII et au cardinal Borgia qui se tenait sur les marches du trône pontifical, comme impatient d'y monter. Les propositions furent con- damnées et toute discussion publique défendue. Alors Pic de la Mirandole retourna en France; mais, avant de par- tir, il publia , sous le titre de: Mon Apologie, la défense des propositions censurées. Ce pamphlet, où il attaque ses ennemis avec une verve incroyable de sarcasme et d'in- jure , leur prodiguant les outrageantes épithètes que les savants de cette époque ne s'épargnaient point dans leurs querelles, fut loin de désarmer la haine. Accusé, auprès du pape, d'avoir, malgré sa défense, soutenu les propo- sitions condamnées, Pic de la Mirandole revint et n'eut pas de peine à se justifier. Mais le coup était porté ; cette persécution l'avait dégoûté de la gloire bruyante. Et puis, quelque ridicule s'était attaché à sa folle prétention, té- moins ces mots : Et quibusdam aliis, que la raillerie pu-