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la rue ( c a r j'étais dans ma chambre en commençant ma m é -
ditation v a g a b o n d e ) , et de m e voir en face de la mère Berlhet.
C'était elle , en effet, qui me rappelait à moi-même par cette
sortie tant soit peu impertinente. J'aurais bien voulu me
fâcher, car autour de moi l'on riait à mes dépens ; mais com-
ment se fâcher sérieusement contre la mère Berlhet! Qu'est-ce
donc que la mère Berthet?
   La mère Berlhet a soixante cinq ans environ. Mais ce n'est
pas une de ces vieilles toutes blanches et cassées, vieilles
grondeuses , accariâtres et radoteuses qui ne vivent plus que
de souvenirs, à charge aux autres et à elles mômes, pétrifiées
dans un fauteuil, et en conversation perpétuelle avec leur
chat ou leur épagneul. La mère Berlhet est verte et forte
e n c o r e ; elle est active comme au premier bel âge. Ses che-
veux rouges ou r o u x , selon le jour qui les éclaire, sont à
peine mêlés de quelques cheveux blancs, A la voir s'avancer
devant v o u s , d r o i t e , vive et a l e r t e , avec son dandinement
sémillant, vous diriez presque une coquette de trente ans.
Son teint n'a plus, il est v r a i , la fraîcheur et l'éclat; on pour-
rail même lui reprocher un luisant peu agréable à l'œil; mais
sur sa figure mobile et éminemment spirituelle, treize lustres
n'ont empreint que des rides rares et peu profondes. Ce bel
état de conservation est-il dû aux essences etaux cosmétiques,
aux mille pommades des boudoirs, hélas! la pauvre vieille
elle n'en connûl jamais l'usage, si elle est encore si jeune en
sa vieillesse, c'est qu'elle fut toujours sage, dit-elle. Avis à
v o u s , mesdames. Oh! il ne faisait pas bon lui lancer des
Å“illades, lui dire d'amoureuses paroles, lui caresser la taille
et vouloir l'embrasser, lorsqu'elle était encore à l'âge des
amours! c'était en son jeune temps une rigoureuse et sau-
vage vertu que la mère Berlhet. Elle raconte à qui veut l'en-
tendre les chastes et pieux soufflets qu'elle distribua jadis
aux galants audacieux, car elle était bien belle et les galants
rôdaient autour d'elle pour captiver son cœur. Elle vous dira
comme quoi un beau monsieur l'ayant, un soir, prise en ta-