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360 LE CHÂTEAU D'ALBON. dans les meurtrières et tonna avec une régularité solen- nelle dans le grand triangle de ruines. Il avait une voix, il nous racontait les siècles écoulés, il nous apportait les acôlamations des conciles organisant le monde moderne, le cri du Maure tournant sur sa cavale à longs poils autour des murs qu'il ne franchissait pas, les grandeurs des dauphins viennois, comtes d'Albon, et enfin les douleurs de la châtellenie, veuve de ses prin- ces, et tombant pierre à pierre sur le sol, dont elle s'efface. Et, par l'imagination, nous reconstruisions l'ancienne ville, nous nous représentions les événements qui l'ont illustrée. Albon s'appelait primitivement Epaon et était une ville romaine, les historiens du Dauphiné l'attestent, la tradi- tion est constante sur ce fait, qui ne peut être mis en doute, la nature avait marqué la place d'une cité. Albon occupe une position importante, une position dominant une vallée qui est comme le grand chemin du genre hu- main. Cette vallée a vu les invasions galliques descendre vers le midi et les légions romaines remonter ; elle a vu se ruer le torrent des Burgondes, des Vandales, des Visigoths et passer les légers escadrons arabes; les soldats de Karl Martel et de Karl Magne l'ont traversée, le courant des croisades l'a remplie, plus tard elle a été suivie par les routiers, par les malandrins ; par les briUantes'armées de la Renaissance, se rendant en Italie, par les soldats de" Catinat, par les armées des Alpes, d'Egypte, par les Au- trichiens de 1815, et enfin par les bataillons qui, en Afri- que et en Orient, ont relevé l'honneur national ; chacun y a laissé sa trace ; on y déterre la baguette autrichienne, la framée gauloise, le glaive romain et l'épée de chevalier. Les Romains, surtout, l'ont recouverte d'une épaisse