page suivante »
L'ART DU RELIEUR. — M. NIVOCHE, A VALENCE.
Au sein de cette pauvre Province, honnie quelquefois
par Messieurs les Parisiens, un peu bien injustes à son
égard, car c'est une de leurs peccadilles — cela soit écrit
sans les offenser >— au milieu, dis-je, de ces bons dépar-
tements qui sont aussi la France, 1 art et l'industrie peu-
vent dresser, leurs tentes et s'y distinguer à l'aise. Mais
leurs produits, mais les labeurs de leurs représentants ne
venant pas de la capitale — style légèrement Prudhomes-
que — pour ne pas passer inaperçus des vrais amateurs,
n'en sont pas moins trop souvent relégués dans l'ombre,
faute de quelques voix qui les fassent connaître comme ils
le méritent.
Eh bien! nous serons une de ces voix, et mes,lecteurs
l'écouteront, j'en suis certaine. Que voulez-vous ? Je me
sens toujours un peu aimée de ceux qui me lisent ; on a
eu la bonté de me le dire, et j'avoue que j'ai la foi du
charbonnier à cet égard.
Pour aujourd'hui^ je m'adresse aux ainis des livres,
aux bibliophiles, Ã tous ceux qui recherchent le bon
goûf autour d'eux; les reliures sont comme les cadres
entourant les toiles, comme les coffrets renfermant les
perles et, les parfums, elles doivent être en harmonie,
autant que faire se peut, avec les œuvres qu'elles accom-
pagnent.
Notre ville de Valence a l'avantage de posséder un vé-
ritable artiste, un maître habile dans tout ce qui con-
cerne l'enveloppe à donner aux livres, ces monuments de
la pensée, vers lesquels on revient aujourd'hui, dans un
élan scientifique et littéraire, qui accuse un. mouvement
intelligent, bou à noter pour notre patrie. M. Nivoche a
travaillé longtemps à Lyon, et même il avait un si réel
talent, qu'il fut remarqué par Bruyère, l'habile et célèbre
relieur, qui ne prenant jamais d'ouvriers, confia toutefois
cinq missels à revêtir noblement et à dorer au jeune
homme dont il avait entendu faire l'éloge. Le maître1
si difficile fut satisfait, ce qu'il prouva dans une accolade
enthousiaste.
M. Nivoche a étudié avec soin la manière de toutes les
époques. Un jour, il montrait à un bibliophile éminent(une
reliure antique et. d'une belle simplicité. Elle fut prise ab-
solument pour un travail du quinzième siècle, tant l'imi-
tation était admirable ; le cachet de ce temps précurseur
de celui de François Ier y était rendu â la perfection, si