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228 CONSTANCE DAYMER. de plus vu qu'elle a le cœur sec, dans ses réponses à la démar- che que votre famille m'a imposée à l'époque de Pâques et dans laquelle, avec l'aide dé Dieu, j'avais réussi à toucher un moment cette âme rebelle. Cette absence de sentiments est surabondam- ment démontrée par la rareté de la correspondance de Cons- tance Daymer et parles lettres mêmes que vous avez chez vous. Qu'est devenue sa vie isolée et indépendante à Lyon? Je crois que Dieu ménage de grandes chutes à l'orgueilleux qui veut aller à l'aventure hors des voies qu'il lui a tracées. Si Constance Daymer est encore servante, la dame chrétienne chez laquelle elle est entrée a dû lui donner le couvert que vous lui procuriez ici ; elle a pu la préserver des séductions du monde. Mais vous convient-il, à vous qui n'êtes pas un jeune homme in- signifiant, mais un riche commerçant, influent dans le pays, re- vêtu des honneurs, municipaux, d'aller compromettre votre di- gnité, celle de la commune que vous représentez, dans une démarche auprès de Mme Malleval, à qui vous redemanderez sa domestique? Laissez cela à un valet. Dans l'une et l'autre alternative, il y aura des obstacles ma- tésiels, que Constance Daymer ne pourrait renverser qu'avec la meilleure volonté de vous suivre. Domestique, il serait peu dé- licat qu'elle quittât sa place d'une heure à l'autre ; ouvrière en confections, elle aura des travaux, peut-être des marchandises, des machines j et un sacrifice d'argent subi par vous lèverait à peine l'objection. Enfin, si elle vous suit, la laisserez-vous aller seule? L'ac- compagnerez-vous? Que diront vos hommes, qui vous rencon- treront peut-être en route? Que dira la commune, en voyant M. ternaire avec son élégante fugitive? Quelle situation vous sera faite par cette esclandre, si Constance Daymer persiste dans son refus? Et enfin, mon cher ami, quelle situation, si elle n'y persiste pas ? Vaine, légère, dénuée de sentimeats ; voilà ce qu'en mon âme et conscience, j'ai dû écrire plus haut, à mon grand regret. Est-ce sur cette recommandation que vous épouseriez une fille ? s Faisant même abstraction de ce jugement, est-il contestable que