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                       CONSTANCE DAYMER.                        219

hasard, pour te parler en sœur, tout simplement, tout affectueu-
 sement, d'un sujet qui m'est cher comme la vie. Il s'agit de faire
le bonheur de Mathieu, de ma mère et le mien. Je suis désolée
de les abandonner; et ce sentiment disparaîtrait si tu voulais
bien rendre à la maison l'une des deux filles qu'elle perd en un
 an. Tu comprends assez ce que je veux te dire. Mathieu t'aime
plus tendrement que nous. Je ne te parlerai pas de sa fortune:
je sais que c'est cela même qui fait impression sur tes senti-
ments trop délicats. Mais je veux te faire observer que c'est toi
qui nous obligeras tous en lui donnant ta main. Ma mère a be-
soin d'une compagne pour l'assister, et l'âge la lui rendra de
jour en jour plus nécessaire. Outre les soins que je lui rendais,
j'étais devenue le secrétaire de Mathieu. Son commerce de bois
le fait souvent voyager; il faut lui écrire ce qu'on vient répon-
dre ici pour les achats, recevoir et faire suivre les lettres, met-
tre ses comptes en ordre quand il revient. Faute d'une main
exercée pour ces utiles détails, il perdra des affaires et de l'ar-
gent. En devenant sa femme, tu serais une véritable associée,
qui doublerais les bénéfices de son entreprise. Tu vois donc que
ta fierté ne saurait exiger un refus. Tu disais dans une de tes
lettres que tu voudrais te reconnaître envers nous des soins
que tu as trouvés dans notre famille. Voilà l'occasion. Dieu te
la donne telle, que tu vas certainement, comme moi, reconnaître
ta vocation.
   Adieu, ma chère Constance. Toute la famille attend ta ré-
ponse avec impatience, dans l'espoir plutôt que l'anxiété. Ma
mère t'embrasse et moi aussi, comme étant déjà doublement
ta sœur;                                        URSULE.


                         LETTRE XIII.

           De Constance Daymer à Mad. Servolet.
                                    Lyon, 6 janvier 1866.
          Chère madame Servolet,
  Excusez-moi si je ne vous ai pas écrit pour le jour de l'an.