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220 CONSTANCE DAYHEH.
Vous voyez que je n'ai pas oublié l'époque et si je n'arrive pas
plus juste, cela tient au surcroit d'ouvrage qu'elle amène dans
( une maison de ville : nous avons eu les Trotteurs, les laveurs de
vernis, les tapissiers, pour'décorer l'appartement, sans compter
les ramoneurs qui ne sont pas tout à fait inventés dans ce
but.
Je vous assure que j'ai bien pensé à vous tous ces jours-ci.
Vous devez être bien triste. Les journaux nous apprennent qu'il
n'y a pas beaucoup de neige, cette année, dans les pays de.
montagne. Votre pauvre hirondelle aura donc pu quitter son nid.
A l'hpure qu'il est sans doute, vous êtes seule et Ursule reli-
gieuse, enterrée sous un long voile.
Je suis triste aussi de penser qu'elle ne sera plus la première
à lire mes lettres. La correspondance n'e&t pas gaie, dans de
telles conditions et ne peut briller par l'abandan. Je ne veux pas,
. néanmoins, cesser la mienne avec Ursule et je vous prie de me
faire savoir dans quel couvent elle est.
Je regrette d'avoir à lui répondre négativement sur ce qu'elle
m'a demandé. Je dois beaucoup à votre famille, je le sais, je le
sens. Je ne veux pas abuser de ses bontés. Malgré tout ce que
vous me faites dire d'aimable, je comprends très-bien que votre
fils perdrait à épouser une fille qui n'a rien. Les négociants ne
font pas de telles maladresses ; s'il faut une femme qui puisse
tenir le bureau aussi bien que le ménage, cela n'est pas rare. La
dot qu'elle apportera, outre ses connaissances, sera bien appré-
ciée de Mathieu, qui ne demande sans doute ma main que par
dévoûment pour vous, afiu de me faire rentrer à Abbans." Dans
ces circonstances, je ne veux pas qu'on puisse dire que j'ai
exploité sa générosité.
Je suis engagée ici dons une entreprise où j'espère faire une
petite fortune. Nous sommes trois amies, dont je suis la moins
riche, qui allons monter au printemps une maison de modes.
Des doigts habiles valent dix mille francs, dans cette industrie,
dont les produits se vendent très-chers.
Bientôt, ma chère dame, j'espère vous annoncer que je ne
sers plus et me suis mise à mon compte. En attendant et avec