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LES ARMES DE TRÉVOUX. 67 levant le cours sinueux de la Saône, au nord le plateau mame- lonné des Dombes, et ses horizons s'étendaient à de longues distances au delà . Du haut de sa plate-forme le regard décri- vant une courbe immense allait successivement s'arrêter ou se , perdre sur les montagnes du Maçonnais, du Charolais, du Fo- rez, sur les coteaux du Beaujolais, le massif du Mont-d'Or lyon- nais, le Mont-Pilat, la chaîne azurée du Bugey, les cimes nei- geuses des Alpes dauphinoises et savoyardes, le Mont-Blanc, le Jura, limites extrêmes et derniers gradins de ce cirque gigan- tesque dans lequel plusieurs provinces étaient comprises. Posée à l'extrémité d'une colline à deux versants, qui s'avance dans un coude de la rivière comme serait un phare sur un promon- toire, la tour de Trévoux s'apercevait de toutes parts ; il n'était pas dans la contrée d'édifice plus connu, plus en renom. Qui- conque avait monté ou descendu la Saône dont les contours enlacent la colline qui la porte, l'avait admirée de près ; à ceux qui passaient à distance on la désignait du doigt. Du plus loin qu'on la pouvait découvrir le guetteur du moyen âge posté au sommet des donjons et des poipes, le batelier, le piéton ou le cavalier ne manquaient de la chercher dans la brume. Aussi les habitants de Trévoux en étaient-ils particulière- ment fiers. Cette tour « la plus belle construction qui fût à cin- quante lieues à la ronde (1) » était pour eux une œuvre mer- veilleuse et légendaire, son origine se perdait dans la nuit des temps, il n'était pas de récit historique, pas de conte populaire où elle n'eût sa place, pas de héros fantastique, d'animal fa- buleux, d'enchanteur ou de fée qui n'eussent hanté ses murs solitaires, habité ses souterrains redoutables. Elle était leur or- gueil, leur gloire, le palladium de leur ville, et le jour où ils avaient pris ou reçu des armes, elle était devenue leur emblème. Trévoux portait, porte encore : d'argent à une tour donjon- née de gueules, ajourée et maçonnée de sable, au chef d'azur à (1) Procès-verbal de la prise de possession de la souveraineté de Dom- bes, au nom du duc Louis de Bourbon-Montpensier, le 31 janvier 1561, publié par M. Valentin-Smitb, dans sa Bibliotheca Dumbensis, p. 174.