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CHASSE A LA GRIVE. 297 Chaque chasseur tient sa corde dans sa main, l'œil lixé vers la sortie du bois, à la hauteur de la pantière. Le cœur bat d'espérance, les rêves les plus roses éclosent et s'épa- nouissent : on pense que les grives vont lier abondantes et pressées, que, pour descendre, une bécasse pourrait bien choisir ce passage; qu'une compagnie de perdrix est dans le canton et. que rien ne l'empêcherait de venir se jeter toute entière dans le filet. Quelle nouvelle dans le pays ! Quelle aubaine ! quel triomphe pour le chasseur ! Nous avons fait cette chasse, sur les collines qui bor- dent la rivière d'Ain et nous avons rarement éprouvé de moment plus délicieux que celui qui précédait le réveil du gibier. Les étoiles brillaient de tout leur éclat ; pas le moindre souffle de l'air n'agitait les feuilles ; la nature entière était dans le repos, et cependant, on sentait la vie partout, rien n'était mort; à travers le silence, on entendait respirer la civilisation. A une lieue de là , coulait sur ses blancs cailloux, la ri- vière d'Ain, la rivière aimée des Bugistes, la Grand'Rivière, comme disaient naguère les paysans, alors que les che- mins de fer ne les avait pas rapprochés de la Saône et du Rhône ; Aïn, la rivière par excellence, baptisée ainsi, à ce que dit M. de Lamartine, par les Arabes du vmc siècle; ses eaux limpides, sillonnées par la truite, susuraient dou- cement dans la nuit et l'air était si calme que le murmure montait jusque sur le flanc des montagnes. Puis voilà que, sur la grande route de Genève à Lyon, descendait une longue file de chariots franc-comtois. Les conducteurs dormaient sous la bâche légère; les lourds chevaux, appuyant sur le collier, faisaient retentir les gre- lots sonores qui ornaient leur harnachement. Les roues criaient dans l'ornière ; les planches et les poutres gémis- saient dans leurs liens de fer, et le bruit du lointain convoi traversait la plaine et les collines, suivait les vignobles et montait jusqu'à nous, cachés dans l'épaisseur des forêts.