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LES RICHESSES DE M. ALEXIS. 149
Là sont d'adorables têtes de Boucher ; là des portraits authen-
tiques et sigués de Greuze ; ici un portrait superbe de coloris,
par Bidault : là enfin un Portement de la Croix, par Holbein.
Comment est-il là ? nous l'ignorons ; à quel prix ? nous n'avons
pas osé le demander. Il est à couvrir d'or. Lui aussi un jour sera
la propriété de la ville de Lyon.
On ne peut tout citer, mais voici pour la bonne bouche. C'est
un portrait avec une histoire. Le portrait n'est autre que celui de
M. Alexis, peint par Trimolet ; l'histoire était charmante racontée
par M. Lays, je crains que sous ma plume elle ne perde une grande
partie de son charme.
Qui eut l'idée de cette toile ? M. Trimolet vint-il offrir ses
pinceaux ou M. Alexis sa figure ? encore un mystère. Quoi qu'il
en soit, un jour les deux amis se trouvèrent en présence et le
tableau commença.
Sans espérer une rétribution énorme, l'artiste voulait une
toile digne de sa réputation, or le modèle n'avait que ses
dimanches à donner. C'était peu. Chaque semaine on revenait,
mais on ne retrouvait plus la pose; le jour n'était pas favorable ;
c'était l'été, c'était l'hiver ; il fallait des efforts inouïs pour
faire une œuvre qui les satisfît tous les deux. Enfin le tableau
s'acheva. H avait parfaitement réussi.
Pendant quarante dimanches le modèle avait posé ; pendant
quarante dimanches l'artiste avait repris sa palette, étendu ses
couleurs, touché, retouché , c'était un an de travail. Qui connaît
les artistes et les arts saura seul les trésors de patience et de dé-
vouement qui avaient été nécessaires en cette occasion.
Arriva le quart d'heure de Rabelais. M. Trimolet ne faisait ja-
mais payer ses portraits moins de quinze cents francs. Pour ce-
lui-ci, qui était une exception, trois mille francs auraient suffi Ã
peine ; ils n'auraient pas compensé un an de labeur et de ma-
gistral talent ; l'artiste n'aurait pas demandé moins à un client
ordinaire.
De son côté M. Alexis était trop fier pour ne pas payer. Il
ouvrit sa bourse, en sonda les profondeurs et y puisa trois cents
francs^! On ne dit pas ce qui lui resta de surplus.