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2 62 LES CHASSEURS DE RENNES. déloger l'ennemi de ses positions et, à la faveur d'un succès, entamer avec lui des négociations. Quant à nous rendre, il n'y fallait pas penser. Le premier acte des Cheveux-Pâles aurait été de nous massacrer. Autant valait mourir de faim et de soif; l'ennemi comptait évi- demment sur ce dénoùment. XXXIX Les dangers de ma propre position ne me faisaient point oublier le pauvre docteur. Malgré des inquiétudes très-graves et malheureusement trop bien fondées, je nourrissais cependant un vague espoir que sa prudence et son sang-froid lui fourniraient quelque moyen de se tirer d'affaire. Un matin, on vit un homme sortir du camp des Che- veux-Pâles, s'avancer vers notre palissade, et déposer à terre un fardeau que j'envoyai recueillir. C'était une peau de bête remplie d'os et surtout d'omo- plates de bœuf, couverte de caractères gravés en ma- gnifique anglaise, à l'aide d'une pointe en silex. Ma joie fut indicible. J'avais reconnu l'écriture démon vieil ami! Le docteur était donc vivant, et il m'écrivait une lettre en dix volumes, c'est-à -dire, calligraphiée sur dix grands os, numérotés pour en faciliter la lecture. Les larmes aux yeux, j'entrepris de déchiffrer ce pré- cieux document, conçu en ces ternies : « Que diable faites*-vous là -haut, mon cher ami, et « vous portez-vous bien ? J'en doute fort, car votre nour- « riture doit être maigre et l'eau rare sur les pierres « que vous avez choisies pour couchette. « Je suis fort attristé de vivre ici dans l'abondance et « le bien-être, tandis que je vous sais, à quelques pas de