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62 ÉTUDE SUR LK PATOIS LYONNAIS.
Car, tiens ! si tu veux le savoir, au risque que de moi, pau-
vre porteur de falourdes, tu ne veuilles faire que ta risée,
je t'aime, Mireille, je t'aime de tant d'amour que je te dé-
vorerais !
'faîne, o chatouno encanlarello,
Que se dis lès : Vole uno estello ;
J'anitravès de mar, ni bos, ni gaudre-foui
J'a ni bourrèu, ni fio, ni ferre
Que m'aplantèsse! Au bout di serre,
Toucant lou ceu, l'anarieu guerre,
E dimenche l'aimés pendoulado a toun coni (1).
Mais, ô la belle des belles! plus je te contemple, plus,
hélas ! je m'éblouis !.... Ecoute, je vis un figuier, une fois,
dans mon chemin, cramponné à la roche nue, contre la
grotte deVaucluse, si maigre, qu'aux lézards gris donnerait
plus d'ombre une touffe de jasmin. Vers ses racines, une
fois par an, vient clapoter l'onde voisine ; et l'arbuste
aride,à l'abondante fontaine qui monte à lui,pour se désal-
térer autant qu'il veut, se met à boire... Cela toute l'année
lui suffit pour vivre. Comme la pierre à la bague, à moi cela
s'applique.
Car je suis, Mireille, le figuier, et toi la fontaine et la
fraicheur. Et plût au Ciel, moi pauvret ! plût au Ciel, une
fois l'an, que je pusses, à genoux, comme à présent, me so-
leiller aux rayons de ton visage, et surtout que je puisse
encore t'eifleurer les doigts d'un baiser tremblant ! . . .
Subran coume eiço dins la leio
S'enlendegué'no voués de vieio:
Li magnans, à miejour, manjaran rén, alor ?
(1) Je t'aime, ôfilleenchanteresse, que si tu disais : Je veux une étoile,
il n'est traversée de mer, ni bois, ni torrent; il n'est ni bourreau, ni feu,
ni fer qui m'arrêtât! au bout des pics, touchant le ciel, j'irais la prendre,
et, dimanche, tu l'aurais pendue à ton cou.