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CHASSE A LA GRIVE. SOI C'est une grive gourmande qui allait picorer et qui, folle, imprudente, quoique nerveuse et sauvage, se con- fiant dans la rapidité de son vol, est venue piquer la tête au beau milieu du danger. Le filet tombe, le chasseur se précipite, la ramasse, l'étouffé et relève son filet. Quatre, cinq, six grives la suivent à peu de distance. Quelquefois, une d'elles franchit le pas avant que le perfide engin ne soit relevé ; quelquefois, une autre passe à deux doigts plus haut quelacordelle,et voilà que les étoiles sont complètement effacées, qu'une ligne grisâtre parait au- dessus des montagnes, et que la bise qui fraîchit annonce que bientôt l'aurore va se lever. Alors, parfois, une ombre passe dans la forêt. L'appari- tion est rapide-, ni cri, ai coup d'aile ne l'ont fait pressentir. C'est un boulet de canon qui passe sans sifflement et qui s'est jeté à votre insu dans vos mailles. Ouvrez l'œil, lâchez la corde, ayez la main légère et prompte, car c'est une bécasse, un morceau de roi qui est venu se faire capturer. On commence à distinguer les objets dans la forêt; les oiseaux ont fini leur passage, on peut détendre les cordes et faire joyeusement son paquet. Alors, la forêt silencieuse qui semblait vide est tout à coup pleine, animée et bruyante ; tout le monde s'appelle, se reconnaît, s'interroge, s'interpelle ; un voisin en cau- sant a fait manquer un coup superbe ; une fourchette a cassé, une corde n'a pas glissé, une bécasse a passé trop haut; l'un a son carnier plein, l'autre n'a pas eu de chance; on se cherche, on se groupe, on discute en descendant, on se donne rendez-vous pour le chien d'arrêt ou les chiens courants, et on va rejoindre, à Amberieu, à Jujurieux ou à Poncin, le déjeuner qui vous attend. Ici se pose une question. Est-il vrai que la grive soit un oiseau ivrogne ? qu'elle