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                    LES RICHESSES DE M. ALEXIS.                          148

  De ceux qui l'ont vu jadis passer sur nos quais, coiffé d'un
chapeau gigantesque, couvrant d'un pan de vieil habit un tableau
en mauvais état, ou une maquette estropiée, combien l'ont re-
gardé du même œil que l'ermite contemplait l'humble berger si
petit devant les hommes, si grand devant Dieu ! combien d'élé-
gants ont évité cet individu sans,tenue et les paquets qu'il pro-
menait constamment ! combien sont descendus du trottoir par
crainte de la poussière et des toiles d'araignées ! combien ont
pris pour un commissionnaire ou un petit marchand le fin con-
naisseur qui venait d'arracher un chef-d'œuvre à la destruction
ou à l'oubli !
   Vêtu avec la simplicité d'un ouvrier, travailleur en effet, le
regard fin, l'Å“il observateur, mais timide, fuyant le bruit, la
foule et la publicité, pendant cinquante ans, M. Alexis a suivi le
même chemin de son atelier à son domicile. Il était resté garçon
n'ayant pas eu le temps de se marier ; toute sa vie s'était con-
centrée sur deux idées, deux pensées, deux cultes, deux pas-
sions : il adorait sa mère et il thésaurisait.
   Né le 1 e r mai 1786, sur cet antique territoire d'Ainay dont il
a été enfant fidèle, M. Alexis a exercé la profession d'ouvrier
graveur. Il n'a jamais quitté une des maisons les plus anciennes
et les plus célèbres de notre ville, la maison Giraud, rue Mer-
cière, naguère encore Madame veuve,'aujourd'hui Mesdemoiselles
Giraud sœurs (1).
   La maison Giraud était renommée à l'époque où, au milieu
d'artistes qui se sont fait un nom, Jean-Jacques de Boissieu te-
nait le sceptre de la gravure. Les dessinateurs du siècle dernier
venaient en foule apporter leurs planches à cet atelier sans rival.
M. Alexis grandit au milieu de ces hommes d'élite et s'y fortifia.


  (1) Simple détail. M. Alexis est si peu de son temps, il comprend si
peu notre époque de changement et de déménagement, que, né rue Confort,
n° 109, il y a vécu trente-trois ans, il a habité vingt et un ans la rue de la
Barre, et depuis lors il est au n° 27 du quai de la Charité, où il mourra
probablement, ayant déjà qnatre-vingt-cinq ans. Locataire, il a fait trois
appartements dans sa vie; ouvrier, il n'a eu qu'un patron.
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