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174 LES CHASSEURS DE RENNES. prit chante intérieurement et vagabonde avec l'imagina- tion, sa compagne. Comme le pauvre docteur était oublié ! Le hasard, — était-ce bien le hasard ? — m'amena sous le toit enfumé de ma fiancée, à qui j'appris le départ de mon ami, ajoutant que je comptais sur la faim pour le ramener bientôt. I-ka-eh sourit d'un air de doute. — Il n'ira pas loin, dit-elle, mais il ne reviendra pas. Je ne serais pas surprise qu'à l'heure qu'il est unv tigre lui eût offert déjà l'hospitalité dans les profondeurs de son estomac. Cette pensée, qui ne m'était point venue à l'esprit, mais que justifiait trop bien, hélas ! l'expérience que j'avais acquise, me saisit au cœur et me glaça le sang. — Mais alors c'est un suicide ! m'écriai-je, et je ne veux pas en être le complice. Je pars à sa recherche, et s'il en est temps encore, je le sauvera.' ! J'ava ; s pris la résolution soudaine de le ramener de gré ou de force. Malgré toute la diligence que j ' y apportai, mes apprêts de départ furent longs. Il fallait prévoir un déplacement de plusieurs jours peut-être ; me fournir de vivres et d'effets de campement, décider enfin quelques hommes à me suivre, ce que j'eusse été dans l'impossibilité d'obte- nir moi-même sans l'intervention d'I-ka-eh. Partir seul était une imprudence égale à celle du docteur, et je ne voyais nul mérite à tenter son sauvetage au péril certain de ma propre vie. Enfin, six hommes, moyennant de belles promesses de gibier et de peaux de renne, que je m'engageai à leur fournir au retour, consentirent à m'accompagner.