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294                   CHASSIS A l„A GRIVE.

 que vous êtes, au terrible batailleur, au suzerain puissant
 qui a construit les murs épais où un paysan affranchi vous
 donne l'hospitalité.
    Du reste, il n'est pas de spectacle plus ravissant, ni
 d'harmonie plus enchanteresse que de voir et d'entendre
 sur le flanc des montagnes du Bas Bugey, une petite
 meute de cinq ou six chiens franc-comtois, bas de taille,
 à la tête bien coiffée, au museau pointu, à la jambe fine, à
 la robe blanche et orangée, au large poitrail, à la gorge
 pleine et sonore, groupée à être couverte d'un foulard,
 collée à la voie et menant tambour battant un grand lièvre
 à travers les riches vignobles d'Àmbérieu, le vallon pitto-
resque des Abbéanches et autour du vieux château des
 rois de Bourgogne.
    Quelle musique Raveau, Mireau, Tambeau faisaient
entendre ! Ces beaux compagnons de ma jeunesse m'ont
fait passer de douces heures dans la montagne. Quelle
 ardeur! quelle vaillance! Ils ignoraient ce qu'était un
 contre-pied ou un change. Leur voix frappait trois heures
 de suite, sans lassitude et sans hésitation, les échos des
bois de Bettant ou d'Ambronay, et quand le grand Tym-
 baleau, le hurleur efflanqué du seigneur de la Tour de Gy,
faisait sa partie dans le concert, on eût payé, pour avoir
une loge ou s'asseoir aux premières places. C'était plus
magnifique et plus ravissant qu'à l'Opéra.
   J'ai entendu la Grisi, l'Alboni, la Patti, et bien d'autres;
je me suis pâmé aux belles notes de Lablache, de Tambu-
rini et de Rubini dans leur gloire. 0 mes bons petits
chiens du Bas Bugey, entendrai-je encore vos voix sono-
res? Me sera-t-il donné de promener encore une fois mon
lourd fusil de Versailles à travers les taillis épais des
Alymes et de Luysandre? Si ce bonheur m'arrivait, je me
connais ; mon émotion serait trop violente et trop forte; le
cœur me battrait à se rompre, et les larmes seraient bien-
tôt bien près des yeux.
  Le chasseur au chien d'arrêt est plus citadin et plus ci-