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2ti0 LES CHASSiU.T.S DE RENNES. qu'elle s'était déplacée dans lu direction d'1-ka.-eh. As- soupi et confiant dans la sécurité complète de notre posi- tion à l'extrémité du camp, je suivais ses mouvements plutôt par curiosité que par crainte. Mais soudain, la masse en question se redressa. C'é- tait un homme qui bondit sur I-ka-eh avant que j'eusse le temps de faire un mouvement ou de pousser un cri, l'enlaça d'un bras en lui mettant l'autre main sur la bouche, et chercha à l'enlever. Presque au même ins- tant, je tombai, sur l'agresseur et avec toute l'énergie que donne le péril, je cherchai à l'étreindre ; mais il me glissa entre les bras comme un serpent, et je le vis dis- paraître dans une fente du rocher qui s'ouvrait à nos pieds. Saisissant mon fusil, je fis feu dans le vide obscur : on entendit, dans les profondeurs de la crevasse, le bruit d'un corps qui roulait, puis quelques soupirs étouffés, quelques mouvements convulsifs, et le silence se fit. Le Rocher de Solutré était alors comme maintenant percé de puits naturels et de fentes, creusés jadis par les eaux, dans le fond des mers jurassiques, et qui, çà et là , mettaient en communication l'esplanade supérieure avec la base de la falaise. Pensant que l'ennemi n'aurait point l'audace de nous surprendre par ces passages, aussi dangereux que peu praticables, j'avais négligé de les faire garder. Mais j'avais compté sans l'agilité de ces hommes à demi sauvages, habitués à ramper comme les bêtes et à surprendre leurs proies en luttant de ruse avec elles. I-ka-eh tremblait malgré sa mâle énergie, et je frémis moi-même à la pensée du danger auquel elle venait d'échapper par un hasard providentiel. Si je me fusse endormi, elle était perdue sans que nous pussions expliquer sa disparition. Quand le jour p a r u t , j e descendis dans la crevasse.