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LES CHASSEURS DE RENNES. 259 Nos hommes tentèrent une sortie pour, interrompre et détruire cet ouvrage. Mais ils furent repoussés sous une grêle de flèches et de javelots, et rentrèrent en dé- sordre dans le camp, dont l'ennemi ne jugea pas à propos de s'approcher. Nous eûmes beaucoup de blessés dans cette première affaire. Les projectiles des Cheveux-Pâles, sans avoir plus de force de pénétration que les nôtres, étaient infi- niment plus redoutables à cause des barbelures et des crocs dont ils étaient armés et qui déchiraient les chairs en rendant souvent l'extraction du trait difficile ou im- possible. Les gens de Solutré, qui n'avaient jamais encore éprouvé les malheurs de la guerre, ignoraient ces raffine- ments dans l'art de torturer les hommes, et les pointes lisses, taillées en forme de feuilles de saule ou de lau- rier dont leurs flèches et leurs lances étaient pourvues, ne faisaient que des blessures simples, faciles à panser et à guérir. La journée se passa sans incidents nouveaux et la nuit vint envelopper les deux camps de ses ombres, nuit dou- loureuse, inquiète, où le sentiment du danger croissait avec les ténèbres. Tous les yeux, tendus dans le vide, cherchaient l'ennemi. La fatigue créait des fantômes imaginaires, et les hommes, hallucinés, se précipitaient vers la palissade pour repousser une attaque qui ne ve- nait pas. C'étaient à chaque instant des alertes accompa- gnées de cris de femmes et d'enfants. I-ka-eh s'était endormie. Assis auprès d'elle, je veillais à demi, luttant contre le sommeil et contre la fatigue. Tout à coup, mes yeux se fixèrent sur une masse noire qui se profilait sur le ciel sombre. Elle paraissait immobile et cependant, au bout d'un instant, je reconnus