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214 CLOTILDE DE .SURVILLE. ne soient pas totalement perdus pour la postérité, sur- tout pour l'honneur de ma famille — Songe à celui qui t'aimera jusqu'à sa dernière heure ! Reçois mes derniers embrassements ! Que ton père, ta mère, mes sœurs, les partagent ! Crois que je vécus pour t'aimer uniquement ! Adieu ! — Surville. » De ses œuvres à lui, pas un mot. Feuilles modestes, il ne devait pas les avoir présentes à la mémoire. Il ne se préoccupait pas de leur avenir. Mais le marquis de Surville qui s'oubliait pour son aïeule avait compté sans la science et la fatalité. A peine sa veuve eut-elle confié à un ami dévoué les manuscrits retrouvés, à peine le libraire les eut-il lancés, à peine l'Europe lettrée eut-elle tressailli aux Verselets a mon premier né et au Chant royal à Charles VIII, que les érudits et les feuilles littéraires éclatèrent de toutes parts. « Cela des vers anciens? Cela un manuscrit du xve siè- cle ? Une femme poète aurait existé il y a trois cents ans, aurait fait des vers uniquement pour se distraire, pour amuser elle et les siens, et n'aurait pas poursuivi la popula- rité? Elle n'auraitpas publié sesœuvres, etles aurait laissées enfouies dans son manoir du Vivarais? A d'autres. Ces vers sont modernes, et tenez, ils sont de celui qui prétend les avoir trouvés, ils sont du marquis de Surville qui, on peut le prouver, tournait très-bien un petit couplet. » « Vous n'y êtes pas, disait un autre important. Ces poé- sies sont l'œuvre de Vanderbourg, l'éditeur. Vanderbourg est de l'Institut, classe des Inscriptions et Belles-lettres; c'est un érudit, un savant et un homme de goût. Donc, il est très-capable d'être un grand poète. Il a fait une spécu- lation de librairie et pour lancer des pastiches assez bons d'ailleurs, il les a couverts d'un nom inconnu, euphonique,