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182 LES CHASSEURS DE RENNES. J'assistais au premier acte du long drame des in- vasions ! A en juger par des débris de vases en terre cuite abandonnés autour des foyers et quelques fragments de grossières étoffes, les Cheveux-Pâles devaient avoir une industrie bien supérieure à celle des gens de Solutré. Ils savaient domestiquer le bœuf, le cheval, le mouton, la chèvre et le chien, comme j'avais pu en juger moi-même le matin; et quelques graines de froment, répandues sur le sol, m'apprirent aussi qu'ils n'étaient point tout à fait étrangers à l'agriculture. Les traces du docteur ne se prolongeaient pas au-delà du campement, et les recherches que nous fîmes alentour eurent pour résultat de me donner la certitude que mou infortuné compagnon était tombé entre les mains de Patte-de-Tigre et de ses alliés. Triste certitude ! qui m'enlevait à peu près tout espoir de revoir jamais mon vieil ami. Un seul parti nous restait à prendre : regagner le vil- lage au plus vite, s'assurer des dispositions des Cheveux- Pà les et agir en conséquence. Notre retour fut une course au clocher, à vol d'oiseau. La distance à franchir était lon- gue, mais j'avais l'espoir, en coupant en ligne droite, de prendre les devants des émigrants et d'arriver au village en temps utile pour donner l'alarme. Chemin faisant, nous mîmes en fuite un magnifique animal, qui ne vit plus de nos jours et que je n'avais pas encore rencontré. C'était un cerf gigantesque, ayant quelque analogie avec l'élan, mais de la taille d'un grand bœuf, et portant des bois palmés de trois mètres de long! Je n'ai rien vu, dans ma vie de chasseur, de plus beau que cette bête, unissant à une taille imposante, l'agi- ]eté la plus surprenante, et j'eus le regret de la laisser