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                  LES CHASSEURS DE RENNES.               183

passer sans la saluer d'un coup de fusil. Ses foulées que
j'examinai avec curiosité étaient plus larges qu'un pas de
bœuf, profondément marquées dans la terre humide et
tranchées sur les bords comme un pied de chevreuil.
   Des nuages s'amoncelaient au ciel depuis le matin ; vers
le milieu du jour, ils commencèrent à tomber en pluie
fine, ce qui retarda notre marche en décuplant nos fati-
gues et nos efforts. Si bien qu'il était nuit quand nous
descendîmes par les pentes du Mont-de-Pouilly, dans la
vallée de Solutré.

                          XXXII

    Le campement était plongé dans l'obscurité la plus
 intense et le calme le plus complet quand nous y arri-
 vâmes. On ne distinguait plus ni terre, ni ciel, ni huttes;
 quelques étincelles qui voltigeaient çà et là au-dessus des
toits, venaient seules trahir la présence de l'homme sur
 ce point. C'était une de ces nuits épaisses, où l'obscurité
devient ténèbres ; et je frémis à la pensée d'une surprise
des Cheveux-Pâles et des terribles conséquences qu'elle
pourrait avoir en pareille circonstance.
   Je fis en toute hâte donner l'alarme par mes hommes,
qui, silencieusement allèrent de hutte en hutte prévenir
de l'approche des étrangers d'Outre-Saône. En peu de
temps, tous les chasseurs furent sur pied et se rassem-
blèrent par petits groupes, causant à demi-voix et com-
mentant la nouvelle. Personne d'ailleurs ne paraissait
inquiet.
   Les heureux habitants de Solutré ignoraient encore ce
que c'est que la guerre. Vivant isolés, au milieu de vastes
solitudes, n'ayant d'autre souci que la chasse et d'autre
richesse que leur gibier, ils n'entretenaient que de rares