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'17(5 I,ES CHASSEURS DE RENNES. eaux; un vrai repaire pour les tigres, fort dangereux par conséquent, pour l'homme. Nous nous avançâmes péni- blement, par un étroit sentier, obligés souvent d'entrer dans la boue et dans l'eau jusqu'à la ceinture, l'œil au guet et nos armes en main. Des lièvres blancs, à l'épaisse fourrure , fuyaient devant nous, effarouchés , et nous eûmes la chance d'atteindre la Saône sans faire de mau- vaise rencontre, excepté cependant un énorme rhinocé- ros qui disparut à notre approche dans les profondeurs d'un fourré. J'eus le temps de voir qu'il était, comme la plupart des animaux contemporains, couvert d'une épaisse toison, et je pus distinguer parfaitement les deux longues cornes dont ses naseaux étaient armés. La Saône, beaucoup plus large qu'on ne la voit ordi- nairement de nos jours, roulait devant nous s£S eaux lentes et jaunes. Il me parut qu'elle coulait à un niveau plus élevé que maintenant, c'est-à -dire que sa vallée était moins, excavée. Des îles nombreuses entravaient son cours, et son lit, mal canalisé, était bordé de berges irrégulières, de marais, d'anciennes plages abandonnées, ensablées et ravinées par de fréquentes inondations. Un hippopotame descendait la rivière à la dérive, immo- bile comme un tronc d'arbre ; la tète du monstre et une partie de son dos émergeaient au-dessus de l'eau. Toutes nos prévisions se réalisèrent, et j'eus la joie de trouver au bord de l'eau, sur le sable, une piste toute fraîche, portant l'empreinte de larges semelles, solide- ment enclouées, qu'il était impossible de confondre avec la trace d'un mocassin. Le docteur était devant nous, à quelques heures de marche. Nous le suivîmes pas à pas jusqu'au soir, mais nous ne pûmes l'atteindre, parce qu'il nous fallut relever quel- ques défauts, ce qui nous retarda.