page suivante »
LES CHASSEURS UE RENNES. 471 vous le rencontrerez sur votre route. Tu apprendras alors comment je me venge. Va-t'en ! je ne te retiens plus. — I-ka-eh ! m'écriai-je, tes paroles sont dures et tu me condamnes avant de m'avoir écouté. Tu n'as pas songé que j ' a i quelque part, moi aussi, mon village, mes compa- gnons, mes a m i s , ma famille; qu'on m'attend là -bas: qu'ici, je ne suis qu'un étranger ; que les gens de ta tribu ne me pardonneraient pas plus que Patte-de-Tigre, mon origine. Tôt ou tard, les faveurs dont tu veux me combler attireront sur nous leur ressentiment et je veux t'éviter les malheurs que ma présence amènerait infailliblement quelquejour. — Eh moi, dit-elle en m'interrompant, ne suis-je pas étrangère ici, depuis que mon père est parti? Penses-tu que ma vie puisse être heureuse ; perdue loin du berceau de ma race, au milieu de ces êtres plus voisins des bêtes que des hommes, condamnée à devenir l'épouse du mons- tre qu'on appelle Patte-de-Tigre? J'avais espéré que tu aurais pitié de ma misérable existence, toi qui es de mon sang et que tu ne m'abandonnerais pas! Je me suis trompée!.... Elle fondit en larmes en se tordant les bras, et se ren- versa à demi voilée sous ses cheveux en désordre. — Eh bien! reprit-elle en se dressant tout à coup d'un air résolu, puisque tu veux partir, emmène-moi avec toi, partons ensemble. Rien ne me retient ici; je te sui- vrai dans ton village. Cette proposition était plus pratique que la première; mais l'idée de revenir en Maçonnais avec une femme vê- tue de peaux de renne et parlant une langue inconnue même au Collège de France me faisait encore hésiter. Je lui objectai les difficultés et les dangers du voyage ; la peine qu'elle aurait à s'habituer à une vie nouvelle, Ã