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172 LES CHASSEURS DE HENNES. s'acclimater sous un autre ciel, si toutefois nous pouvions jamais retrouver le chemin de mon pays, ce qui me pa- raissait plus que douteux. — Tu as raison, me dit-elle. J'ai rêvé l'impossible. Va donc sans moi. J'attendrai ici dans la misère, les soucis et les larmes le moment où les esprits de la mort m'apporteront la délivrance. Bientôt ma hutte renversée me servira de tombeau, et les hyènes viendront, la nuit, en arracher mes os. Sa résignation me toucha plus que sa colère et triom- pha de toutes mes hésitations. — Non! mille fois non! m'écriai-je, je ne partirai pas! Mon compagnon s'en ira où bon lui semblera ; je reste ! I-ka-eh accepta mon sacrifice après quelque résistance ; mais elle demeura triste, émue, silencieuse. Je la quittai pour aller rejoindre le docteur et chercher à obtenir de lui qu'il renonçât à sa résolution. Mon vieil ami fut inébranlable. Ses apprêts de départ étaient à peu près terminés ; il me montra un sac en peau où il avait emmagasiné tout un attirail de chasseur de rennes, des lames de silex, des poinçons en os, des pa- quets de graisse, des lanières de cuir, des cordes en ten- dons de renne, et quelques quartiers de viande. J'eus beau lui dire que j'étais décidé à rester, il n'en témoigna ni sur- prise, ni mécontentement et continua ses préparatifs. — Comment vivrez-vous? lui demandai-je. Vos provi- sions s'épuiseront bientôt, et vous n'aurez aucun moyen de les renouveler, étant incapable de vous servir d'un arc, et par conséquent de chasser. — J'ai prévu tout cela, me répondit-il. Je compte des- cendre le cours de la Saône en suivant les bords de la r i - vière, et pêcher chemin faisant. Voici maligne.